LES PIONNIERS, LES POLICIERS, BELZEBUTH ET UNE FEMME AU BORD DE LA CRISE DE NERFS
OUTSIDE
Dans les années 30, à New York, des photographes, souvent armés de Leica, descendent dans la rue. Leurs images posent un regard neuf sur les habitants. Parmi ces artistes (Klein, Frank, Model, Page) figurent Morris Engel et son épouse Ruth Orkin. Pour les jeunes Turcs de la Nouvelle vague française, l’Américain Engel (1918-2005) était celui qui avait montré la voie. En compagnie de son épouse, il révolutionna la photographie naturaliste avant de se tourner vers un cinéma épris de liberté et proche des gens. Dans le coffret Outside, est réunie l’œuvre cinéma complète : Le petit fugitif (1953), Lovers and Lollipops (1955), Weddings and Babies (1958) et I Need a Ride to California (1968), ce dernier jamais dévoilé au public. Lilly, jeune Californienne, est venue à Greenwich Village pour vivre de plein fouet la révolution hippie. Un superbe témoignage sur le New York de 1968 entre libération sexuelle, agitation sociale et révolution Flower Power. Un beau et passionnant coffret riche en suppléments dont des courts-métrages ou des publicités d’Engel mais aussi des documentaires de Mary Engel consacrés à ses deux parents ! (Carlotta)
A DARK DARK MAN
Bien que jeune flic, Bekzat connaît déjà toutes les ficelles de la corruption policière. Il faut dire qu’il est à bonne école avec ses collègues. Voilà qu’il s’agit d’étouffer une nouvelle affaire crapuleuse. Mais une journaliste pugnace s’en mêle et trouble les combines bien installées… Brillant cinéaste kazakh, Adilkhan Yerzhanov réussit un magnifique et grinçant polar des steppes autour d’un personnage en survie face à la violence du monde… Volontiers comparé aux frères Coen, Yerzhanov observe, avec un superbe sens de la mise en scène, une humanité lamentable et un homme égaré dans le labyrinthe de la vie. Mais Bekzat (Daniar Alshinov) va parvenir à une métamorphose passant d’un niveau moral douteux à un niveau de conscience élevée. La poésie et l’humour noir sont au rendez-vous pour perturber un sombre réalisme… Dans les bonus, on trouve une longue interview du cinéaste décryptant son travail. (Arizona Distribution)
PARIS POLICE 1900
Dans le Paris de 1899, la Troisième République est sur le point d’exploser. Les menaces sont multiples et le président Félix Faure vient de succomber dans les bras de son experte maîtresse. Dans ce contexte troublé, Antoine Jouin, jeune flic ambitieux, mène l’enquête autour du corps d’une femme retrouvé découpé dans une valise… Créée par Fabien Nury, la nouvelle série de Canal+ (8 épisodes de 52 minutes) est palpitante à souhait et plonge le spectateur dans une époque bien glauque et sacrément violente où, sur fond d’affaire Dreyfus, règne l’antisémitisme le plus décomplexé… On s’attache très vite à des personnages historiques comme le préfet Lépine, redoutable stratège républicain aux prises avec le tribun Jules Guérin, patron du journal L’antijuif et évidemment à des femmes résolues et courageuses comme la jeune avocate Jeanne Chauvin ou encore Marguerite Steinheil, amante de Félix Faure et courtisane reconvertie en espionne… (Studiocanal)
IL DIVO
Homme politique au long cours et figure emblématique de la Démocratie chrétienne italienne, Giulio Andreotti (1919-2013) était un Belzébuth pour ses détracteurs et le Divin pour ses fans. En 2008, Paolo Sorrentino plonge dans les années noires de la politique transalpine quand des Falcone, Dalla Chiesa ou Aldo Moro tombaient sous les balles terroristes. Président du Conseil à sept reprises entre 1972 et 1992, Andreotti fut fréquemment suspecté d’avoir partie liée avec la mafia mais il échappa toujours à la justice. Ce portait (assassin) qui ausculte le bien, le mal et le pouvoir est une œuvre visuellement brillante qu’on retrouve sur un bon Blu-ray. Aux accents de la Pavane pour une infante défunte de Fauré, la déambulation à l’aube d’un véritable Nosferatu (incarné par l’excellent Toni Servillo) dans les rues vides de Rome est un moment magnifique ! (Studiocanal)
LA VOIX HUMAINE
En adaptant librement l’œuvre de Jean Cocteau (qu’il avait découverte, dans les années 70 à travers L’Amore de Roberto Rossellini), Pedro Almodovar retrouve l’une de ses chères femmes au bord de la crise de nerfs. Dans son appartement, une femme attend l’homme qu’elle aime, qui l’a quittée et qui ne viendra pas récupérer ses valises autour desquelles tourne son chien, lui aussi, abandonné. Pleine de grâce et de rage (quand elle manie la hache), Tilda Swinton est superbe dans sa quête d’autonomie morale et de dignité et son long monologue est une passionnante réflexion sur le désir et la douleur des sentiments non réciproques. Et puis Almodovar se joue aussi avec brio des codes du théâtre et du cinéma. Ce film court (29 minutes) est accompagné, en bonus, d’une conversation (45 minutes) mené par Mark Kermode avec le cinéaste espagnol et son actrice. (Pathé)
BLACKBIRD
Atteinte d’une maladie dégénérative incurable qui lui paralyse peu à peu le corps, Lily refuse de continuer à vivre dans cette situation et préfère mettre fin à ses jours par un suicide assisté. Le temps d’un week-end, Lily et son mari Paul (Sam Neill) réunissent leur famille pour leur faire part de la difficile nouvelle. Roger Michell (Coup de foudre à Notting Hill en 1999) s’est lancé, ici, dans une entreprise périlleuse tant le risque du pathos était grand. Mais, dans ce remake du film danois Stille hjerte de Bille August (2014), le cinéaste sud-africain réussit à insuffler au drame une vérité bouleversante et jamais larmoyante. Entourée de Kate Winslet et Mia Wasikowska dans le rôle de ses filles, la grande Susan Sarandon apporte à Lily une émotion magnifique. (Metropolitan)
FUKUSHIMA 50
Le 11 mars 2011, un violent tremblement de terre frappe le nord-est du Japon et engendre un énorme tsunami (responsable de 90% des quelque 18.000 morts et disparus) qui va provoquer la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima. En s’appuyant sur les faits réels, le cinéaste Setsuro Wakamatsu a réalisé un drame qui suit précisément les efforts de cinquante volontaires qui, coupés de toute aide extérieure, ont réussi au péril de leur vie, à éviter un drame plus grave encore. Construite autour de deux figures héroïques –Masao Yoshida, le directeur de la centrale et Toshio Izaki, le chef de la salle de contrôle des réacteurs- cette aventure mêle l’action, la tension, le suspense et célèbre le courage et le sacrifice des 50. (FIP-ESC)
L’HOMME A L’AFFUT
Chauffeur-livreur à San Francisco, Eddie Miller, type banal et malhabile avec les femmes, vit en solitaire. Pris parfois de pulsions meurtrières, il tue au hasard des femmes brunes avec son fusil à lunette. En 1952, Edward Dmytrick, de retour à Hollywood après un exil politique en Angleterre, signe cet excellent film noir sec et violent. Ici, point d’enquête (on sait d’entrée qui est le sniper) mais plutôt un portrait sous tension d’un psychopathe (Arthur Franz dans, probablement, son meilleur rôle) qui mène une lutte perdue d’avance contre sa folie et ses instincts violents. Désemparée face aux crimes et à un tueur dont elle ne parvient pas à comprend les mobiles, la police fait appel à un psychologue… (Sidonis Calysta)
LA NUIT DE DECEMBRE
Grand pianiste virtuose, Pierre Darmont est séduit, en 1939, par une jeune femme qui lui rappelle une brève aventure amoureuse survenue 20 années plus tôt. Mais la belle qu’il voudrait épouser, est peut-être… sa fille. Comme Robert Siodmak ou Fritz Lang, le cinéaste allemand Curtis Bernhardt a fui, dans les années 30, l’Allemagne nazie pour se rendre aux USA. Auparavant, tous firent escale en France. En 1939, Bernhardt y tourne ce mélo musical (on entend Beethoven, Chopin, Liszt, Berlioz) où Pierre Blanchar incarne le pianiste et Renée Saint-Cyr, le double rôle de la femme aimée. Dans le rôle d’un chef d’orchestre, on reconnaît le compositeur français Maurice Jaubert. (Gaumont)
THE GOOD CRIMINAL
Braqueur de banque solitaire, Thomas Dolan est décidé à se ranger des voitures parce qu’il a rencontré la belle Annie (Kate Walsh). Il propose au FBI un arrangement –rendre l’argent et purger une peine « légère »- mais deux agents corrompus vont le piéger. Depuis Taken (2008), on sait que Liam Neeson (héros aussi de La liste de Schindler) est « abonné » aux rôles de dur. Cette fois encore, le voilà en bandit décidé à tout arrêter et qui se retrouve pris au piège… Toujours bien cabossé, Neeson finit évidemment par trouver les solutions radicales pour mettre les affreux hors d’état de nuire. Si le scénario n’est pas vraiment surprenant, ce polar demeure un spectacle d’action tout à fait honorable. (Metropolitan)
UN PAYS QUI SE TIENT SAGE
Journaliste « franc-tireur », David Dufresne se consacre, depuis le milieu des années 1990, aux problématiques de la police et des libertés publiques. En réunissant des vidéos tournées entre novembre 2018 et février 2020 par des manifestants ou des reporters indépendants pendant le mouvement des Gilets jaunes, il signe son premier long-métrage pour le grand écran. Ces vidéos sur des affrontements entre manifestants et policiers, ciblent clairement les violences des forces de l’ordre. Un propos très engagé sur une actualité toujours brûlante où il est question de la juste mesure entre violence et légitimité. (jour2fête)
LE FILS DU MASK
En 1994, Chuck Russell, en compagnie d’un Jim Carrey totalement déjanté, avait frappé fort avec The Mask. Donner une suite à cette histoire aussi loufoque que fantastique tenait sans doute de la gageure. Lawrence Guterman s’y est risqué quand même… Dessinateur d’animation à la vie banale, Tim Avery (Jamie Kennedy, vu dans Scream) a trouvé le fameux masque de Loki. Sa vie va en être transformée, surtout qu’Alvey, son bébé, a été « touché » par les pouvoirs du masque et qu’il va s’en servir… Mêlant le cartoon et les prises de vues réelles, le film s’applique à aligner, pas toujours avec finesse, des gags « à la Tex Avery »… (Metropolitan)