LA RETIRADA, LA MEMOIRE, LA DISTANCE, LES SENTIMENTS
JOSEP
Récent prix Louis Delluc 2021 du premier film et en lice pour les César, voici la destinée (bien réelle) du dessinateur catalan Josep Bartoli mise en scène, sous la forme d’un long-métrage animé par le dessinateur de presse Aurel. Caricaturiste au trait féroce et membre du PC catalan, Bartoli fuit, durant l’hiver 1939, les exactions du franquisme. Comme quelque 500.000 autres réfugiés espagnols, il traverse les Pyrénées sous la neige et cherche abri en France. C’est l’épisode tragique de la « Retirada » dont atteste toujours l’impressionnant Mémorial de Rivesaltes à côté de Perpignan. Avec un graphisme de qualité, Aurel réussit brillamment la rencontre entre l’Histoire (comment ces Républicains ont été malmenés et humiliés par la France) et la fiction à travers un personnage de gendarme français qui, à sa manière, résista en secourant Josep. Et le raconte, ici, à son petit-fils… (Blaq Out)
PEGGY SUE S’EST MARIEE
La quarantaine passée, Peggy Sue s’est séparée de Charlie, son grand amour de jeunesse (Nicolas Cage). A la fête des anciens du lycée Buchanan, classe 1960, elle retrouve tous ses camarades d’alors. Mieux, elle est élue reine de la soirée. Lorsqu’elle aperçoit Charlie dans l’assemblée, Peggy Sue s’évanouit… et se réveille 25 ans plus tôt, à l’infirmerie du lycée. Retour dans les années lycée où Peggy Sue (l’excellente Kathleen Turner) évolue, adulte, au cœur du passé. Dans la veine des comédies de remariage qu’Hollywood affectionnait dans les années cinquante, Coppola distille, en 1986, un gracieux conte de fées sentimental et mélancolique sur les sixties. Comment saisir la chance de changer sa vie ou… de réussir à l’accepter. Une belle version restaurée avec, en supplément, une bonne analyse du film par Jean-Bpatiste Thoret. (Carlotta)
A CŒUR BATTANT
Jeune couple parisien, Julie et Yuval vivent une relation fusionnelle autour de leur petit Leny… Unis par l’amour, ils vont être séparés par la distance. Parti en Israël pour renouveler ses papiers, Yuval se retrouve bloqué à Tel Aviv dans sa famille. C’est désormais à travers les écrans d’ordinateur que les deux communiquent… En confrontant un bel amour aux technologies modernes, la réalisatrice Keren Bel Rafael réussit un film épatant autant par sa maîtrise des dispositifs de mise en scène que par la puissante émotion qui se dégage de cette chronique intime d’autant que les choses ne semblent pas s’arranger dans le couple. Judith Chemla (Julie) est magnifique et vibrante alors qu’Arieh Worthalter fait évoluer son Yuval entre force et fragilité. Dans les suppléments, la réalisatrice décrypte très bien sa manière de travailler… (Condor)
LES CHOSES QU’ON DT, LES CHOSES QU’ON FAIT
Après une histoire amoureuse délicate, Maxime rend visite à son cousin François. Celui-ci est absent et c’est Daphné, sa compagne, qui l’accueille. Petit à petit, les deux vont se confier l’un à l’autre. Ceux qui connaissent le cinéma d’Emmanuel Mouret reconnaîtront aisément sa manière de traiter, avec finesse et mélancolie, du sentiment amoureux. Ici, Mouret (qui est en lice pour une sacrée brassée de César) réussit un récit tour à tour touchant, élégant et malicieux. La mise en scène est construite comme un brillant puzzle qui garde le spectateur en haleine même si le film est riche en textes. Enfin les comédiens (Niels Schneider, Camélia Jordana, Vincent Macaigne, Guillaume Gouix, Emilie Dequenne) sont tous au diapason. Emmanuel Mouret est au sommet de son art pour disserter de l’harmonie et des paradoxes des choses de l’amour ! (Blaq Out)
JABBERWOCKY
« Entre King Kong et Sacré Graal… mais en mieux » dit un slogan promotionnel pour le premier film en solo (même si une grande partie des Monty Python figure au casting) de Terry Gilliam après de très fameuses années télévisuelles avec les délirants British. En 1977, le cinéaste américain imagine, d’après un poème de Lewis Carroll, une aventure fantastico-médiévale où le jeune Dennis tente de conquérir Griselda sa dulcinée tandis qu’un monstre nommé Jabberwocky sème la terreur au point que le roi Bruno le Contestable promet la main de sa fille à celui qui terrassera la bête. Délirant, jubilatoire, foutraque, un joyeux moment d’humour absurde dans une belle version restaurée accompagnée de précieux suppléments, notamment un bon making of ou encore le poème de Lewis Carroll lu par Sir Michael Palin et Annette Badland ! (Carlotta)
JE SUIS UN AVENTURIER
Quatrième des cinq films du cycle de westerns (après Winchester 73, Les affameurs, L’appât et avant L’homme de la plaine) qu’Anthony Mann tourna avec James Stewart, The Far Country (1954) est considéré comme une synthèse de l’art de Mann. En 1896, Jeff Webster, aventurier individualiste, achemine, avec son ami Ben, des bovins vers l’Alaska, lors de la Ruée vers l’or du Klondike. Dépouillé de ses bêtes par un shérif véreux et faussement débonnaire, Webster va accepter d’escorter une femme d’affaires avant d’arriver à Dawson pour exploiter une mine d’or afin de s’offrir le ranch de ses rêves… Voilà une réussite totale du western où, dans de superbes paysages neigeux des Rocheuses, le cinéaste développe de multiples facettes du genre. Stewart est magnifique en solitaire endurci, pionnier droit d’une époque révolue… (Sidonis Calysta)
JEANNE D’ARC
De Méliès à Bruno Dumont en passant par Bresson, Preminger ou Dreyer, on a bien dû voir une cinquantaine de Jeanne d’Arc sur grand écran. Mais on ne connaissait pas la version de Gustav Ucicky, premier film sonore sur la Pucelle d’Orléans. D’ailleurs, on a cru le film disparu. Il est vrai aussi qu’il n’eut aucun succès à sa sortie à Berlin en 1935. Présenté dans un beau mediabook (80 pages de précisions et d’analyses sur le phénomène Jeanne d’Arc), Das Mädchen Johanna est une vraie curiosité née au cœur de l’industrie culturelle nazie dirigée par Goebbels. Dans une imagerie médiévale soignée, Angela Salloker se glisse dans l’armure d’argent de la fille de Domrémy pour un pamphlet anglophobe (Talbot est spécialement grotesque) qui est aussi voulu, en creux, par ses auteurs comme une apologie d’Hitler en sauveur du peuple… (Artus Films)
MISS
A l’école, les petits garçons rêvent d’être pompier ou pilote de ligne. Avec sa gueule d’ange, Alex, lui, veut être Miss France. Auteur en 2013 du touchant La cage dorée, Ruben Alves signe une fable sensible qui interroge la notion de féminité et signe une comédie sur le courage qu’il faut pour changer d’identité. Dans les coulisses du concours Miss France (que la mère d’Alex considère comme « le temple de l’asservissement de la femme ») où les candidates se préparent et s’affrontent, le cinéaste observe, avec tendresse, comment Alex se bat « pour être quelqu’un ». Même si Isabelle Nanty ou Thibault de Montalembert (en travesti prostitué) sont étonnants, le film repose sur l’épatant Alexandre Wetter (en piste pour un César) qui réussit parfaitement à nous faire croire à cet Alex qui croit, lui, de plus en plus fort à son rêve. (Warner)
LA PEINE DU TALION
A la fin de la guerre de Sécession, le colonel nordiste Owen Devereaux est nommé juge et il réussit à convaincre son ami, le capitaine Del Stewart (William Holden) d’accepter le poste de shérif d’une petite ville. Mais, comme il le confie à son journal intime, Devereaux est hanté par un acte terrible. Alors que l’armistice venait d’être déclarée, il a fait massacrer une centaine de soldats confédérés qui voulaient se rendre et agitaient un drapeau blanc. En 1948, Glenn Ford incarne l’un des rares rôles antipathiques de sa carrière avec ce fou affamé de pouvoir et jaloux de Del pour lequel son épouse Caroline (Ellen Drew) a plus que de la sympathie. Si la mise en scène d’Henry Levin manque singulièrement de force, cette aventure westernienne (The Man from Colorado en v.o.) vaut cependant pour la descente aux enfers d’un officier rendu à la vie civile et traumatisé par les horreurs de la guerre au point de voir son état mental se dégrader… (Sidonis Calysta)
PETIT VAMPIRE
« Ca fait 300 ans que j’ai dix ans ! » Autant dire que Petit vampire s’ennuie ferme dans le beau manoir qu’il occupe avec Pandora, sa mère, sur la Côte d’Azur. Le gamin veut aller à l’école pour se faire un ami quitte à braver les interdits maternels. Ce sera Michel, pas plus apeuré que cela à l’idée de se frotter aux morts-vivants. Déjà présent au cinéma avec Gainsbourg, vie héroïque (2010) et Le chat du rabbin (2011), Joann Sfar adapte à nouveau l’une des ses bandes dessinées et signe un film d’animation allègre, au rythme soutenu, qui célèbre avec humour les vertus de l’amitié. Autant les enfants que les parents (avec une suite de savoureuses références au cinéma) trouveront du plaisir aux démêlés du petit vampire, de son copain Michel, de Fantomate, le bouledogue à l’accent marseillais avec le terrible Gibbous… (Studiocanal)
CALIFORNIE EN FLAMMES
Entre 1823 et 1841, la lutte est rude entre ceux qui veulent faire entrer la Californie, alors territoire mexicain, dans les USA et leurs adversaires soutenus par la… Russie tsariste. Le sémillant Arturo Bordega milite pour l’Union et il sera soutenu par la belle Américaine Julia Lawrence dont le père, armurier, a été abattu par des bandits… Réalisé en 1952 par Lew Landers, California Conquest est une curieuse série B d’aventure en technicolor qui, au-delà de son côté historique réel, repose sur des chevauchées, des duels et des traquenards. Les deux comédiens en tête d’affiche, Teresa Wright et Cornel Wilde, tirent joliment leur épingle du jeu. Dans les suppléments, le comédien évoque, avec beaucoup d’humour, son parcours d’acteur. (Sidonis Calysta)
MA BELLE FAMILLE, NOEL ET MOI
Noël, période idéale pour annoncer son mariage ! C’est exactement ce qu’a prévu de faire la charmante Abby Holland. Le problème, c’est que son plan va être singulièrement chamboulé lorsqu’elle constate que sa partenaire Harper n’a pas fait son coming-out auprès de ses parents très conservateurs. Sur fond d’amours lesbiennes et d’acceptation de la différence, voilà une comédie romantique bien agréable. En s’appuyant sur la drôlerie de Kristen Stewart et Mackenzie Davis aux prises avec les questions, les mensonges et les faux-semblants, la cinéaste Clea DuVall (vue comme comédienne dans l’excellent Argo en 2012) s’amuse autant des clichés LGBT que de Noël. On se laisse séduire sans peine par cette Happiest Season. (Sony)