LES RETRAITÉS, LA CONDAMNÉE, LES PAUMÉS, LES FLICS ET LES AMIS
CITOYENS DU MONDE
A 70 ans et quatre longs-métrages à son actif dont l’excellent Déjeuner du 15 août (2008) qui le révéla, Gianni Di Gregorio (qui est également un scénariste reconnu) a tout d’un « nouveau » maître de la comédie à l’italienne ! Dans la Ville éternelle photographiée avec l’œil tendre d’un vrai Romain, le cinéaste distille une petite musique pleine de charme et de mélancolie. Ouvrier à la retraite, Giorgetto touche une pension modeste et a du mal à boucler ses fins de mois. Son ami, professeur de latin (Di Gregorio lui-même), est dans une situation similaire. Ils rêvent de partir loin, là où avec peu de moyens, on vit mieux. Attilio, un brocanteur, est aussi séduit par l’idée… Mais ont-ils vraiment envie de partir ? La belle histoire, touchante et drôle, d’une petite « entreprise » amicale où la générosité est plus forte que tout. (Le Pacte)
YALDA, LA NUIT DU PARDON
C’est, menottée, que Maryam arrive, au soir de la fête traditionnelle persane de Yalda, sur le plateau de l’émission de téléréalité Le plaisir du pardon. A Téhéran, la jeune femme a été condamnée à mort pour avoir tué son mari plus âgé qu’elle. Invitée de la semaine de l’émission, Maryam pourra peut-être échapper au châtiment suprême. Encore faut-il que Mona, la fille de la victime, lui accorde son pardon. En s’inspirant de faits réels, l’Iranien Massoud Bakhshi (remarqué en 2012 avec Une famille respectable) plonge le spectateur dans un spectacle glaçant. Voir Maryam (Sadaf Asgari, étonnante) se faire juger en direct sur le petit écran entre une chanson et une pub, provoque en effet un vrai malaise… Palpitant sans tomber dans le pathos! Après la sortie du film, l’émission a été supprimée. (Pyramide)
EFFACER L’HISTORIQUE
Dans un lotissement sans joie quelque part en province, Marie, Bertrand et Christine bataillent avec des vies difficiles où les nouvelles technologies et les réseaux sociaux occupent une grande place. Victimes de chantage à la sextape, de surendettement ou d’exploitation par une entreprise de VTC, ces trois-là décident d’entrer en guerre contre les « géants de l’internet ». Avec Blanche Gardin, Bruno Podalydès et Corinne Masiero tous trois épatants en laissés pour compte du système qui décident de ne plus se laisser marcher dessus, le duo Gustave Kervern – Benoît Delépine distille une fable nihilisto-comico-délirante qui frappe souvent juste. Cruel mais joyeusement loufoque ! (Ad Vitam)
POLICE
Mission inhabituelle pour trois policiers parisiens : récupérer un étranger dans un centre de rétention et le transférer à Roissy pour une reconduite à la frontière. En chemin, Virginie, femme-flic troublée par une vie privée compliquée, comprend que l’homme risque la mort s’il rentre dans son pays. Confrontée à un vrai cas de conscience, elle cherche à convaincre ses collègues Erik et Aristide de le laisser s’échapper. Avec un regard précis, une caméra attentive et loin du film d’action, Anne Fontaine raconte une mission de nuit pour des flics ordinaires. Pas d’esbroufe mais de la nuance et une humanité saisie à fleur de peau. Virginie Efira, Omar Sy, Grégory Gadebois et Payman Maadi sont excellents. (Studiocanal)
THE CLIMB
Même s’ils ont des tempéraments bien différents, Kyle et Mike sont les meilleurs amis du monde. Et leur amitié résiste à tout, jusqu’au jour où Mike couche avec la fiancée de Kyle. Ce qu’il lui annonce alors qu’ils montent, à vélo, le col de Vence dans l’arrière-pays de la Côte d’Azur, instant emblématique qui donne son titre au premier long-métrage de Michael Angelo Covino. Le réalisateur (qui incarne Mike et a écrit le scénario avec son ami Kyle Marvin qui joue Kyle) signe une agréable comédie « de potes » où les blagues vaseuses sont remplacées par un mélange de drôlerie et de mélancolie. Voici, sur un mode doux-tendre et inventif, une « bromance » qui fait aussi songer à Woody Allen… (Metropolitan)
YUKI, LE SECRET DE LA MONTAGNE MAGIQUE
Petite fille du Dieu de la Neige, Yuki vit au ciel avec ses grands-parents qui veillent sur la Terre. Elle est envoyée chez les humains pour aider un petit village en proie à d’incessantes attaques de bandits et de samouraïs. Elle dispose d’un an (sous peine de devenir un sombre vent hurlant) pour purifier ce village et faire couler sur lui le blanc manteau de la pureté. Grand représentant de l’humanisme social dans le cinéma japonais d’après-guerre, Tadashi Imai (1912-1991) donne, en 1981, une épopée dans le Japon médiéval sur fond de courage, d’amour et de foi dans la vie. Présenté dans un beau coffret, ce film d’animation, visuellement très soigné et enrichi de bons suppléments, sort en version restaurée pour la première fois en dvd en France. (Rimini)
L’ENFANT REVÉ
Patron d’une scierie familiale dans le Haut-Doubs, François Receveur bataille pour la maintenir à flot. Avec son épouse Noémie, ils rêvent d’avoir un enfant mais leurs efforts répétés demeurent vains. Lorsqu’il rencontre Patricia, une belle cliente, la vie de François est bouleversée… Dans une nature qu’il filme largement et avec grâce, le Bisontin Raphaël Jacoulot décrit une passion fulgurante –on songe parfois à L’amant de Lady Chatterley pour les scènes d’amour dans la forêt- qui emporte et trouble gravement le fragile François. Toutefois le sujet central du film n’est pas un embrasement amoureux mais bien un douloureux désir d’enfant. Jalil Lespert, Louise Bourgoin et Mélanie Doutey défendent avec talent cette aventure intime… (Blaq Out)
LA DARONNE
Interprète judiciaire franco-arabe, Patience Portefeux travaille aux écoutes téléphoniques pour la brigade des stupéfiants. En écoutant des dealers en mission, elle découvre que l’un des trafiquants n’est autre que le fils de la dévouée infirmière qui s’occupe de sa vieille mère. Elle décide alors de le couvrir. Bientôt, elle se retrouve à la tête d’un juteux trafic et doit manœuvrer avec des loulous qui voient venir la fin de la « galérance ». Avec une Isabelle Huppert manifestement à l’aise dans le contre-emploi, Jean-Paul Salomé donne une bonne petite comédie. Bien sûr, l’intrigue n’est pas bien épaisse mais le personnage de la daronne est souvent savoureux dans sa capacité à jongler entre la drogue et son job à la police… (Le Pacte)
LES HEROS NE MEURENT JAMAIS
Dans une rue de Paris, un SDF croit reconnaitre en Joachim un soldat mort en Bosnie le 21 août 1983. Or, cette date est justement celle de la naissance de Joachim… En partant sur les pas de Joachim (Jonathan Couzinié, remarquable) à Sarajevo, la cinéaste Aude Léa Rapin signe un premier long-métrage original puisqu’elle filme de l’intérieur la quête de Joachim qui pense être la réincarnation du soldat disparu. Avec ses amies Alice (Adèle Haenel) et Virginie (Antonia Buresi), Joachim déambule dans un pays hanté par les fantômes de la guerre. Une œuvre forte à l’esthétique brute qui associe une touche d’humour au fantastique… (Le Pacte)
CANCION SIN NOMBRE
Jeune femme enceinte, originaire des Andes, Georgina Condori, récemment arrivée à Lima avec son mari, se rend dans une clinique offrant une assistance médicale « gratuite » pour la naissance de leur enfant. Mais l’offre est trop belle pour être vraie et l’accouchement est une torture. Pour son premier long-métrage, Melina Leon évoque, dans le Pérou de 1988, un drame récurrent dans le pays, celui du vol des bébés des Indiens Quechua pauvres qui sont vendus à l’étranger. Avec une sobre esthétique de film noir, la cinéaste décrit l’enquête kafkaïenne sur le drame du couple menée par un journaliste indépendant dans une période noire de l’histoire d’un pays en crise politique, sociale et économique… (Blaq Out)
LE BONHEUR DES UNS…
Léa, Marc, Karine et Francis sont deux couples d’amis de longue date… Le mari macho, la copine un peu grande gueule, chacun occupe sa place dans le groupe. L’harmonie vole en éclats lorsque Léa, vendeuse de prêt-à-porter, leur apprend qu’elle écrit un roman. Qui va devenir un best-seller. Petites jalousies et grandes vacheries commencent à fuser. En s’appuyant sur un joli quatuor (Vincent Cassel, Bérénice Béjo, Florence Foresti, François Damiens) Daniel Cohen organise une comédie qui, au départ, fait un peu boulevard. Mais le film, autour de l’axiome « C’est face au succès que l’on reconnaît ses vrais amis », va trouver son rythme et distiller une vraie tendresse pour le personnage de Léa et à sa légitimité… (M6)
EMMANUELLE
En ce temps-là, Emmanuelle se balançait voluptueusement dans son fauteuil en osier… Ce temps-là, c’étaient les seventies et plus précisément cette fin de mois de juin 1974 où un puissant tourbillon érotique, véritable phénomène de société, allait balayer durablement la France. Portée par la silhouette gracile de la Batave Sylvia Kristel (1952-2012), voici les aventures d’une jeune bourgeoise qui, partie en Thaïlande, retrouver son mari, y explorera à loisir les facettes du plaisir. Tiré d’un roman d’Emmanuelle Arsan, le film est devenu culte. Dix ans ans à l’affiche des cinémas, il y réunit 9 millions de spectateurs. On le retrouve dans une version blu-ray restaurée inédite supervisée par son réalisateur, Just Jaeckin. En bonus, un document inédit intitulé « La révolution du désir féminin à l’écran, comment aborder le film avec le regard d’aujourd’hui ? » (Studiocanal)