LA MERE, LE SHERIF, LA BERGERE, LE SHOMER ET L’HOMME DANS LE MONDE
MADRE
Dix ans après la perte de son jeune fils, Elena s’est installée de l’autre côté de la frontière espagnole, à proximité de la plage landaise où le gamin a disparu. Serveuse dans un restaurant de plage, elle semble avoir refait sa vie avec Joseba, un chauffeur routier. Un jour, elle croise un surfeur blond qui aurait très bien pu être son fils… Auteur des remarquables thrillers Que dios nos perdone (2016) et El Reino (2018), Rodrigo Sorogoyen signe, cette fois, un récit intimiste et douloureux autour d’une femme brisée (Marta Nieto, parfaite) qui se raccroche à un fantôme à travers un bel adolescent. Entre Elena et Jean, va s’instaurer une relation trouble que les parents de Jean voient d’un mauvais œil. Dans cette tragédie romanesque, le cinéaste capte avec brio les fragments d’une relation impossible à qualifier… (Le Pacte)
LE PAYS DE LA VIOLENCE
Shérif d’une petite ville du Tennessee, Henry Tawes s’ennuie avec sa femme Ellen. Au hasard d’un contrôle routier, il tombe sous le charme de la belle et jeune Alma McCain. Désormais amoureux éperdu, Tawes est prêt à sacrifier sa famille et à transgresser la loi en couvrant le père d’Alma qui fabrique de l’alcool de contrebande. En 1970, John Frankenheimer signe la chronique d’un amour impossible dans l’atmosphère automnale et délétère du sud profond. Gregory Peck et Tuesday Weld, entourés d’Estelle Parsons ou Charles Durning, sont au cœur d’un drame superbement rythmé par les chansons de Johnny Cash dont le I Walk the Line donne son titre original au film… Dans les suppléments, Thierry Frémaux évoque l’ambiance rurale de cette chronique desenchantée. (Sidonis Calysta)
LA FEMME DES STEPPES, LE FLIC ET L’ŒUF
Dans la steppe mongole, la police a trouvé le cadavre dénudé d’une femme. Un flic novice est chargé de veiller sur la scène de crime. Une bergère vient l’aider à se protéger du froid, à se nourrir tandis que des loups rôdent dans la nuit. Le cinéaste chinois Wang Quan’an (connu pour Le mariage de Tuya en 2006) met en scène une œuvre aussi minimaliste qu’envoûtante. L’histoire est mince comme un fil mais c’est la manière de capter l’espace immense, la lumière changeante, le froid vif, la nuit noire qui intéresse Quan’an. Les humains vivent avec leurs animaux entre sexualité, souffrance, grossesse, naissance, mort. Dans les suppléments, le Français Aymerick Pilarski, directeur de la photo, évoque avec passion son travail avec le cinéaste. (Diaphana)
THE VIGIL
Yakov Ronen (Dave Davis), la trentaine, s’est éloigné depuis un moment de la communauté juive orthodoxe de Brooklyn. Contre son gré, il accepte d’être shomer, celui qui, dans le rite hébraïque, veille un défunt la nuit précédant les funérailles. Seul avec la veuve et le corps du défunt dans une maison délabrée, il se retrouve confronté à d’étranges phénomènes de plus en plus inquiétants. Les films d’horreur qui se déroulent dans la communauté juive traditionnelle sont rarissimes. Peut-être parce que l’enfer, au sens du concept chrétien, n’existe pas pour les Juifs. Mais Keith Thomas a trouvé, dans les récits talmudiques, la trace du « mazik », un démon destructeur qui fera connaître l’angoisse, une nuit durant, à un Yakov traumatisé. Terrifiant ! (Wild Side)
SANS SOLEIL
Voici une belle occasion de se replonger dans l’œuvre de Chris Marker (1921-2012) avec ce documentaire expérimental (1983) doublé d’un essai poétique où se croisent, à travers le regard d’un caméraman, Sandor Krasna, des pensées et des images qui questionne son rapport aux images qu’il filme, qui met en parallèle les civilisations et interroge la place de l’homme dans le monde. Le coffret avec la version restaurée est accompagné de riches suppléments dont Le Dépays, un livre de Marker (édité en 1982 et épuisé) contenant ses propres photos sur le Japon. Avec « Lettre à Theresa de Chris Marker », on trouve une traduction inédite d’une lettre envoyée par Chris Marker pour répondre aux questions d’un ciné club sur son film, alors qu’il a toujours refusé de parler et d’expliquer son oeuvre. Un second beau coffret propose la version restaurée de La jetée (1963), autre titre-phare dans l’œuvre de Marker. (Potemkine)
VOIR LE JOUR
Au bout d’une nuit agitée à l’hôpital, une mère qui attendait des jumeaux, perd l’un de ses bébés… Un drame qui va bouleverser l’équipe soignante. Adapté du roman Chambre 2 de Julie Bonnie, le troisième long-métrage de Marion Laine plonge dans le quotidien surmené du personnel d’une maternité. Malgré le sous-effectif et des conditions de travail dégradées, les sages-femmes et les professionnels ne rechignent pas à la tâche. Si le côté romanesque peut parfois paraître un peu appuyé, la dimension documentaire du film est tout à fait intéressante avec de solides et attachants personnages comme la secrète Jeanne (Sandrine Bonnaire) dont le passé revient la hanter ou Francesca (Brigitte Roüan) qui rêve d’ouvrir une maternité alternative… (Pyramide)
LE DEFI DU CHAMPION
Jeune star de l’AS Roma, Christian Ferro est aussi talentueux que rebelle et indiscipliné. Au soir d’un nouveau dérapage de sa vedette, le président du club décide de lui faire passer son bac. Et si Ferro n’obtient pas les (bonnes) notes qu’il faut, il restera sur la touche. En quête d’un prof pour faire entrer sa vedette dans le rang, la Roma trouve Valerio Fioretti, un enseignant pas très sensible au ballon rond. « Je suis débile, voilà le problème », constate Christian. Ce n’est pas l’avis de Fioretti (Stefano Accorsi) qui va apprendre à cette tête à claques (Andrea Carpenzano) à devenir un type bien et attachant. Pour son premier long-métrage, Leonardo d’Agostini signe un pur feelgood movie autour de l’univers du foot-business. Et il frappe dans la lucarne… (Destiny ESC)
THE WRETCHED
Pour cause de covid, le film de Brett et Drew Pierce est sorti, en mai dernier, uniquement dans les drive-in américains. Et il est vite devenu un vrai phénomène du cinéma d’horreur… Adolescent rebelle, Ben est envoyé chez son père pour devenir plus raisonnable. Bientôt, il découvre qu’Abbie, la mère de famille voisine, est habitée par un esprit malveillant. Avec de bons acteurs, des effets spéciaux nourris et bien frissonnants (le look de la sorcière est remarquable), un scénario qui ménage des surprises jusqu’à la fin, les frères Drew inscrivent l’épouvante dans un style fantastique qui rappelle celui des meilleurs auteurs de la fin des années 80. Inédit en France, voici une bonne réussite horrifique bien flippante. (Koba Films)
LUCKY STRIKE
Bien mal acquis… Quand un sac bourré de gros billets de banque passe des mains d’un employé de sauna à un agent de l’immigration douteux sans oublier un dangereux prêteur sur gages, une femme battue ou une redoutable patronne de bar, véritable femme fatale… En s’appuyant sur d’excellents comédiens tous traités avec une lumière particulière, le cinéaste sud-coréen Kim Yong-hoon s’empare, pour son premier long-métrage, des codes du thriller et s’ingénie, avec une belle aisance, à composer un solide puzzle où tous les coups, surtout les plus pendables, sont permis. Même si le sang coule, ce sont bien les accents de la comédie grinçante qui dominent dans cette succession d’arnaques, de trahisons et de meurtres. (Wild Side)
LES CAHIERS D’ESTHER
Fin explorateur du monde de l’adolescence, Riad Sattouf (Les beaux gosses au cinéma avec un César 2010 du meilleur premier film) a raconté, dans les pages de L’Obs avant de les reprendre en bande dessinée, les états d’âme d’Esther, une gamine qui, à la manière d’un journal intime, raconte à hauteur d’enfant sa vie, son école, ses amis, sa famille et évidemment son époque. On retrouve Esther et sa petite voix dans la seconde saison (Histoires de mes onze ans) d’une série d’animation composée de 52 épisodes d’environ deux minutes. Où il est question d’un petit frère, des garçons de la classe, de l’existence de Dieu, de la différence entre crevettes et cafards, du mariage des grands, de la tarte aux fraises ou de l’acné. C’est drôle, tendre, émouvant et cruel. (Studiocanal)
L’INCROYABLE HULK
Caché dans une favela brésilienne, Bruce Banner tente de percer le secret du mal qui l’afflige. Chaque fois que son pouls s’élève, en raison du stress ou de la colère, ce scientifique réputé, exposé naguère à une forte dose de rayons gamma, se transforme en géant vert invincible, impulsif et parfois même meurtrier. Un général (William Hurt) songe à utiliser cette force à des fins militaires. Assez loin du Marvel Comics d’origine, le film réalisé en 2008 par Louis Leterrier (reboot du Hulk d’Ang Lee en 2003) fait la part belle à Banner (le toujours excellent Edward Norton) plus qu’à Hulk. Si le scénario manque de surprises, on s’attache à un quasi-vagabond aux prises avec la solitude et la peur. Efficace… (M6)
T’AS PECHO ?
Ah, Arthur et ses copains sont sacrément travaillés par leurs hormones ! Collégien de 3e, Arthur est amoureux d’Ouassima mais pour être invité à la fête organisée par une amie de la belle, il faut savoir pécho. Les puceaux décident alors de demander à Ouassima (Inès d’Assomption, tonique) de leur donner, moyennant finances, des cours dans l’art si délicat de la drague. Histoire de devenir cool ! Sur le ton de la comédie ado d’après #MeToo, Adeline Picault revisite le teen movie, genre revanche du puceau, en imaginant une manière d’entraide amicale et bienveillante entre filles et garçons. Peut-être pas un précis de la séduction mais un bon petit moment de cinoche… (Pathé)
DIVORCE CLUB
Après cinq ans de mariage, Ben est toujours très amoureux… Mais tout s’effondre lorsqu’il découvre, en public, que sa femme le trompe sauvagement… A à la ramasse, le désespéré croise Patrick, un ancien ami (François-Xavier Demaison) lui aussi divorcé, qui l’invite à emménager dans sa belle villa pour profiter à fond de son célibat retrouvé… Michaël Youn n’a pas toujours l’humour léger et son étude « sociologique » du divorcé de la quarantaine le prouve. Mais, en s’emparant de bons gros clichés (les femmes sont sacrément mises à mal mais les hommes ne s’en tirent pas mieux) qui deviennent des gags potaches, il concocte une farce légère et barrée qu’Arnaud Ducret emporte vers un joyeux délire… (M6)