Le PDG et le boulet partis en voyage d’affaires
« Il signe et c’est terminé… » PDG d’un grand groupe international, Pierre Pastié est un homme qui n’a pas de temps à perdre. Alors, le passage chez son notaire pour obtenir la signature d’un parent (qui détient une partie des parts de la société familiale) ne doit être qu’une formalité. Las, le parent, en l’occurrence le cousin Adrien en décidera autrement…
Parce que Vincent Lindon est un comédien bankable et aussi un citoyen qui n’a pas sa langue dans la poche, on l’a bien entendu dans les médias et la bande-annonce de Mon cousin a été largement diffusée. Comme cette b.a. donnait du dernier film de Jan Kounen une bonne impression de comédie et comme Lindon en parlait comme d’un parfait feel-good movie, les éléments semblaient réunis pour passer un bon moment de plus dans les salles obscures après les tourments nocturnes des flics du Police d’Anne Fontaine, les affres des beaux amoureux des Choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret ou encore les tribulations drolatiques d’Antoinette dans les Cévennes filmées par Caroline Signal…
Las, Mon cousin laisse une drôle d’impression. Mitigée, l’impression. Parce qu’on ne rit pas vraiment et parce qu’on est finalement assez mal à l’aise avec cet homme pressé et son fragile et fantasque cousin. Avant, évidemment de s’apaiser dans son fauteuil parce que tous ces tracas familiaux sont quand même promis à une paisible et saine résolution.
« Je pèse un milliard, je dirige quarante-cinq sociétés, j’emploie 9000 personnes et je suis dans la main d’un fou ! » Sur le point de signer l’affaire du siècle, Pierre Pastié n’imaginait pas une seconde devoir se coltiner les états d’âme d’un cousin perdu de vue depuis 35 ans. Pire, Adrien est tellement heureux de retrouver son Pierrot, qu’il veut passer du temps avec lui pour renouer des liens distendus depuis trop longtemps. Et l’on découvrira qu’un drame avait rapproché, dans leur jeune adolescence, Pierre et Adrien. Mais, pour l’heure, Adrien pourrit la vie de Pierrot en retardant son indispensable signature.
On aimait beaucoup le cinéma de Jan Kounen quand il s’amusait à dézinguer le système au lance-flammes. On le découvrait ainsi en 1997 avec un excentrique Dobermann qui mettait aux prises, dans un déferlement de violence, des braqueurs de banque et un flic psychopathe et sadique. Ensuite, il embarquait un cow-boy de légende dans un trip chamanique. Après ce Blueberry, l’expérience secrète (2004), Kounen déchirait l’univers de la pub dans les pas d’Octave Parango, un concepteur-rédacteur cynique, égoïste, débauché et constamment défoncé à la coke. C’était 99 francs en 2007 avec un Jean Dujardin survolté. Depuis, on avait perdu de vue le cinéaste de 56 ans malgré, en 2009, un Coco Chanel et Igor Stravinsky plutôt conventionnel…
Kounen raconte être arrivé « par accident » sur Mon cousin alors qu’il travaillait depuis un an sur un scénario de film fantastique. « Je sursaute un peu, explique le réalisateur : il y a dix ans que je suis absent du grand écran, et je me vois plutôt faire mon retour avec un film de science-fiction, ou un polar ou un film social, ou je ne sais quoi d’autre, mais en tout cas, pas avec une comédie sentimentale, qui est un genre dans lequel, en tant que cinéaste, je ne me projette absolument pas. À l’époque, j’en suis même très loin, puisque je suis plongé dans la réalité virtuelle. Mais la distribution me fascine – Vincent Lindon est l’acteur français qui, en ce moment enflamme le plus ma curiosité et je rêve depuis longtemps de tourner avec François Damiens… » Dans le scénario que lui adresse le producteur Richard Grandpierre, Kounen affirme trouver alors les fondements de ce qu’est, pour lui, une comédie « à la française » : une histoire bâtie autour de deux types qui ne se supportent pas mais qui doivent être ensemble, jouée par deux grands acteurs très différents l’un de l’autre.
Ce sont donc ces deux types fort dissemblables qui vont s’embarquer dans un voyage d’affaires plus que mouvementé où la patience du patron sera mise à rude épreuve et où l’on verra qu’Adrien dispose, malgré sa fantaisie et ses lubies, de réelles capacité pour les… affaires.
Si les séquences d’action (un jet privé en perdition et un hélicoptère qui massacre des étourneaux) sont bien menées, d’autres moments sont plus plan-plan. Et plus on avance, plus le sentimentalisme fait son œuvre. Même si la scène du dîner au château est agréablement tournée.
Alors, depuis La chèvre (1981) ou L’emmerdeur (1973) avec les tandems respectifs Depardieu-Richard et Ventura-Brel, on sait que les comédies ont besoin de reposer sur de solides personnages capables de composer un duo explosif.
Ici, il revient donc à Vincent Lindon de se glisser dans la peau serrée d’un dirigeant qui navigue à cent à l’heure dans son univers, se fiche de l’image qu’il donne de lui ou des dégâts qu’il peut provoquer dans son entourage. Mais Pierre n’est ni cynique, ni méchant, simplement « enfermé ». En face de lui, François Damiens incarne le doux-dingue, sorti pour un temps de sa « maison de repos » (que Kounen caricature rapidement mais gravement !), ami des plantes et parfait boulet. On a compris que c’est le lunaire qui va s’ingénier à apporter du soleil dans l’existence du coincé. Les deux comédiens font le job et se tirent joyeusement la bourre, même si, selon les dires de Vincent Lindon, ils ont mis un peu de temps à s’apprivoiser. A l’arrivée, ce sont leurs démêlés, certes prévisibles, qui donnent un peu de sel à cette aventure intime.
MON COUSIN Comédie dramatique (France – 1h44) de Jan Kounen avec Vincent Lindon, François Damiens, Pascale Arbillot, Alix Poisson, Nicolas Audebaud, Dominique Bettenfeld, Catherine Davenier, Olivia Gotanègre, Jean Reynès, Séverine Vasselin, Lumina Wang. Dans les salles le 30 septembre.