Le nez, son chauffeur et une grande dame de la science
ODEURS.- Père divorcé, Guillaume Favre vient récupérer sa fille Léa à la piscine. Mais lorsque cette dernière lui demande de lui offrir un Twix, Guillaume n’a même pas les deux euros pour le distributeur. Et le voilà qui secoue la machine avant d’avant arnaquer un maître-nageur en affirmant que le distributeur vient de lui « manger » sa pièce… Ce type quelque peu à la dérive travaille comme chauffeur de maître pour le compte d’un certain Arsène (Gustave Kervern dans un rôle entièrement assis) qui a installé son bureau dans un restaurant chinois… Et Guillaume a bien besoin de travailler. Car la juge à laquelle il demande la garde alternée de Léa lui a quasiment ri au nez… Il faudrait au moins qu’il ait un appartement digne de ce nom pour recevoir la fillette. Et côté boulot, Guillaume manque de pas mal de points sur son permis de conduire. Arsène va lui faire une « fleur » en l’envoyant véhiculer une certaine Anne Wahlberg…
Avec Les parfums (France – 1h40. Dans les salles le 1er juillet), Grégory Magne signe son second long-métrage après L’air de rien en 2012. Et il réussit une agréable petite comédie douce-amère autour d’un improbable duo. Car si Guillaume Favre est un peu paumé et parfois pathétique, sa cliente, elle, est plutôt du genre pète-sec coincée. Anne Wahlberg a été une célébrité dans le monde du parfum. Ce nez de grand talent a inventé des fragrances comme le fameux J’adore de Dior… Mais cette femme sèche et distante est surtout une diva déchue. Car elle a connu ce qui peut arriver de pire à un nez, c’est de perdre son odorat. Alors, aujourd’hui, poussée par son agent (qu’elle a tendance à bien malmener), elle accepte, à contre-cœur, des boulots pour vivre… Ici, une commune lui demande de reconstituer les odeurs d’une grotte préhistorique qu’elle veut reproduire à l’identique pour l’ouvrir au public, là une société la sollicite pour trouver une parade olfactive aux effluves d’œuf pourri qui émane de son usine.
C’est dans l’univers de cette femme pas aimable pour un sou que débarque donc Guillaume Favre. D’entrée, Anne Wahlberg vire les cigarettes du chauffeur par la fenêtre de la voiture. Avant de demander à Guillaume de l’aider, dans sa chambre, à changer les draps de son lit parce qu’elle ne supporte pas l’odeur parfumée de la lessive utilisée par l’hôtel… Tenté de se rebiffer, Guillaume va jouer le jeu parce qu’il n’a pas vraiment le choix. Mais, en voiture, sur la route, le chauffeur et sa cliente vont vite se retrouver otages l’un de l’autre. Forcément, obligés de se côtoyer, ils vont finir par se parler, se découvrir et révéler les failles de l’autre.
Le challenge, ici, était de mettre les odeurs en images et le cinéaste y parvient avec des situations qui réveillent les souvenirs, notamment d’enfance, ceux de l’herbe tondue, de la madeleine de Proust ou, dans le cas d’Anne Wahlberg, ce gros savon jaune en boule sur une tige d’acier qui lui rappelle les colonies de vacances…
Grégory Montel incarne, avec ce qu’il faut d’humour tendre, ce Guillaume qui, sous l’influence de sa cliente, va se mettre à renifler les gels-douches du supermarché avant d’oser, à la fois, se rapprocher de sa fille et de cultiver ses talents. Quant à Emmanuelle Devos, comédienne chez Desplechin, Rochant, Audiard, Resnais, Bonnell, Faucon ou Mermoud, elle s’empare avec grâce de ce personnage de bourgeoise qui cache un profond désarroi…
RADIUM.- C’est une dame aux cheveux blancs frisés allongée sur un brancard autour de laquelle on s’affaire dans un couloir d’hôpital. Nous sommes dans le Paris de 1934 et une immense figure de la science française et internationale s’éteint doucement non sans visualiser les conséquences, souvent terribles et tragiques, de ses découvertes dans le futur, notamment la bombe A larguée sur Hiroshima ou la catastrophe nucléaire de Tchernobyl…
Avec son Persepolis, en 2007, Marjane Satrapi, déjà réputée pour ses bandes dessinées, entrait en fanfare dans l’univers du cinéma et décrochait, à Cannes, le prix du jury. Après cette animation autobiographique, la cinéaste enchaînait avec trois autres films avant ce biopic sur Marie Curie où on ne l’attendait pas vraiment…
« Le scénario contenait tout ce que j’aime, explique la cinéaste. Ça n’abordait pas qu’un seul sujet. Ça parlait d’amour, mais aussi de l’éthique de la science, une question très importante pour moi. (…) La science, pour moi, cela signifie être humain et curieux, et le film aborde les effets à long terme d’une découverte, ce qui me semblait être un sujet extrêmement important. La science se marie à l’histoire d’amour pour former une seule et même histoire. Les meilleures histoires d’amour impliquent un certain degré de drame. Je savais, en lisant le scénario, qu’il fallait que je le fasse. »
Production britannique (on est quand même un peu gêné d’entendre Marie Curie s’exprimer dans la langue de Shakespeare) adaptée d’un roman graphique de Lauren Redniss, Radioactive (Grande-Bretagne – 1h50. Dans les salles le 22 juin) balaye en effet largement à la fois l’histoire du 19e siècle et le début du 20e avec, par exemple, l’investissement de Marie Curie dans les « ambulances radiologiques » de 14-18, l’aventure humaine qui va réunir Pierre et Marie, couple aimant et porté par la même quête passionnée et évidemment la réussite scientifique qui vaudra à Marie Curie d’être la première femme à obtenir le prix Nobel… (de physique en 1903) et la seule femme à en avoir reçu deux avec, en 1911, le Nobel de Chimie..
Mais on sent bien, ici, que Marjane Satrapi a été captivée par la liberté et le désir d’émancipation de Maria Sklodowska devenue Marie Curie, féministe militante avant l’heure. Dans ce biopic agréable mais sans surprise, la cinéaste s’arrête ainsi assez longuement sur la liaison scandaleuse de Marie et de Paul Langevin qui vaudra à la scientifique d’être vilipendée par la société française de son temps et par les journaux d’extrême-droite…
De Greer Garson en 1943 chez Mervyn LeRoy à la Polonaise Karolina Gruszka en 2016 devant la caméra de Marie-Noëlle Sehr, Marie Curie a été représentée une dizaine de fois au cinéma et à la télévision. Avec Marjane Satrapi, c’est la Londonienne Rosamund Pike qui se glisse, avec charme et aisance, dans les atours de la physicienne et chimiste franco-polonaise… Elle incarne, de manière inspirée, la pure détermination et la force de caractère d’une femme impressionnante…