JOURNAL DU CONFINEMENT – SUITE
LES CHRONIQUES QUOTIDIENNES DATEES DU 12 AVRIL AU 10 MAI 2020
CONFINEMENT J56.- Dimanche 10 mai : Alors, ça y est ! Nous y sommes… On se souviendra du 11 mai comme d’autres dates qui ont frappé nos mémoires, que ce soit le 11 septembre 2001 ou le 7 janvier 2015. Parce qu’évidemment, il y a un vrai soulagement après plus de 50 jours de confinement. Mais est-ce bien certain, après tout ? Nous avons appuyé sur le bouton Pause et le confinement nous a mis d’abord dans un état de sidération doublé immédiatement d’une montée de l’angoisse. La situation était inédite, les informations parcellaires et le virus probablement partout. Ensuite, parce que l’homme est une machine à habitudes, nous nous sommes installés dans le confinement. Et, peu à peu, il a pu paraître –pas à tous, évidemment- presque confortable. Aujourd’hui, à l’heure d’en sortir, c’est comme s’il s’agissait d’un syndrome de Stockholm. Avec la peur de sortir, de recouvrir la « liberté ». Une liberté sous restrictions. En vert et rouge.
Que sera le « nouveau monde » ? Comme celui d’avant ? En pire ? La société est boîteuse. Peut-on voir, dans la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, un zeste de jouissance répressive des autorités ? Et l’hôpital public et ses héros, applaudis tous les soirs, vont-ils illico retourner à une médecine gestionnaire ? Mondialisation contre relocalisation ? Un cybermonde anxyolitique ? Est-ce le moment de penser à une vraie économie de partage ? Pour cause de confinement, la pollution a singulièrement chuté mais, à la faveur de la crise sanitaire, le plastique à usage unique a fait un retour en force.
Même en rouge, nous sommes déconfinés. Mais c’est la fin des bisous à tout-va. Comment faire d’ailleurs avec ces masques qui ne doivent plus nous lâcher de sitôt ? Que de questions.
Un autre 11 mai, cette fois en 1987, s’ouvrait à Lyon, le procès de Klaus Barbie. L’avocat général Pierre Truche, un homme de bien récemment disparu, avait déclaré : « Pour Barbie, l’autre est un danger même si c’est un enfant ». Ah, l’autre. Désormais, il va falloir faire à nouveau avec lui.
CONFINEMENT J55.- Samedi 9 mai : On racontait l’autre jour à la radio que des habitants de grands immeubles tenaient beaucoup à sortir les poubelles et qu’ils râlaient quand d’autres voisins le faisaient à leur place. Une sorte de mystique de l’ordinaire ?
Cet état de fait nous a imposé des comportements nouveaux. Oh, ce n’est même pas tant le rituel de 20h où, à nos fenêtres, nous applaudissons ceux qui veillent à notre santé. Car voilà un geste convivial presque naturel. On n’a jamais autant pris de nouvelles de la famille et des amis. Et puis le confinement a changé nos habitudes vestimentaires même si le jogging et le sweat-capuche auraient fait hurler Karl Lagerfeld. Sans parler de ces messieurs qui ont décidé de laisser pousser leurs barbes au grand dam de leurs épouses ou compagnes. Qui, elles, regardaient blanchir les racines de leurs cheveux… Dans cette période, on a aussi constaté une recrudescence sensible de vente de tests de grossesse… Les agents immobiliers, eux, signalent une demande croissante sur des maisons de campagne. J’ai entendu dire que les poules pondeuses étaient très recherchées aussi.
Là où le confinement est moins « sympathique », c’est lorsqu’il nous fait songer à un remarquable film de Clouzot. Je parle bien sûr du Corbeau (1943) et de ceux qui donnent allègrement dans la délation : « Allo, la police ! Le type d’en face est déjà sorti deux fois dans la journée pour faire du jogging ! » ou « Allo, la gendarmerie ? Ils font un barbecue et sont au moins quinze sans masques… »
Jamais je n’ai eu les mains aussi propres. Ce qui est plutôt bien quand on les met dans la farine. Qu’on s’est arraché dans les magasins d’alimentation. Il paraît qu’à la boutique des moines trappistes de l’Oelenberg, on trouvait toujours de la T45 et de la T55… Parce qu’on en a échangé des recettes tous ces temps ! Et qu’on en a passé du temps aux fourneaux. Quant aux innombrables parties de Spider solitaire, je n’en parle même pas…
CONFINEMENT J54.- Vendredi 8 mai : Ah, on pourra dire qu’on s’en sera dévoré du film pendant ces journées, ces soirées et ces nuits de confinement ! C’est drôle d’ailleurs comme la télévision est revenue à de bons vieux reflexes « à l’ancienne » en programmant du cinéma. L’incontournable Louis de Funès est même apparu comme le chevalier blanc des séances anti-morosité. Comme j’ai une collection de dvd qui tient la rampe, je n’ai pas vu si les chaînes avaient programmé les Sissi et les Angélique généralement convoquées quand il s’agit de remplir des créneaux horaires…
De fait, les épidémies et autres catastrophes sanitaires ont aussi donné aux scénaristes, souvent d’Hollywood, la matière de films-catastrophe.
Avec Alerte ! (1995), Wolfgang Petersen racontait une histoire de virus mortel introduit en Californie par un singe importé du Zaïre. Le virus Motaba se propage dans la ville de Cedar Creek et menace tout le continent américain. Premier à pressentir le danger, le colonel Daniels (Dustin Hoffman) va se démener pour empêcher que le virus anéantisse la totalité de la population tandis que l’armée se prépare à raser la petite ville…
Mais on peut aussi remonter dans le temps… On constate alors que ce sont la peste et le choléra qui sèment la peur, la désolation et la mort. Les exemples ne manquent pas, du Nosferatu de Murnau au Hussard sur le toit de Rappeneau en passant par Mort à Venise de Visconti. Mais la palme du film le plus réaliste sur le sujet revient à Steven Soderbergh pour Contagion. Réalisé en 2011 et inspiré par la crise du Sras en 2002, ce thriller, presque documentaire, suggère, notamment, les modes de transmission du virus par des gros plans sur des poignées de portes, des verres échangés, des boutons d’ascenseurs ou des cartes de crédit… Mais surtout, on y voit la panique qui se répand encore plus vite que le virus et les gens qui se battent pour survivre dans une société qui se désagrège… Il paraît qu’on s’arrache le film sur les plates-formes VOD…
CONFINEMENT J53.- Jeudi 7 mai : A l’école, je n’étais pas mauvais en géographie. Je me souviens des grandes cartes cartonnées que les élèves méritants avaient le privilège d’aller récupérer dans je ne sais quelle salle. Aujourd’hui, elles sont très prisées dans les brocantes. A l’époque, on les accrochait au tableau et j’étais capable de distinguer les régions productrices de blé, de citer les fleuves français, de dire dans quelles mers ils se jetaient ou encore de situer les grandes villes françaises… Mais je n’imaginais pas que l’âge venant, je serai à nouveau de retour sur les bancs de l’école.
Mais désormais, ce n’est plus mon vieux maître qui me donne la leçon. C’est carrément un membre de l’exécutif qui a endossé (symboliquement, s’entend) la blouse grise. Cet instituteur-là me renvoie au tableau noir. Révision de géographie mais le cours est limité aux départements. Oh, il ne s’agit pas de savoir où se trouve le Loir-et-Cher, la Vendée, les Côtes d’Armor ou la Drôme mais seulement de faire le tri entre les rouges et les verts. Pas trop difficile en somme mais singulièrement anxiogène quand même.
Sur les cartes –elles ne sont pas faites pour ça- on ne pourra pas repérer le fameux « patient zéro », celui qui est à l’origine de toute la contamination. Je me souviens qu’aux temps anciens du sida, on avait montré du doigt un stewart québécois… J’en vois déjà qui, sur la carte bicolore, pointe un coin plutôt à l’est de la France, ni très loin de la Suisse, ni très loin de l’Allemagne, un quartier au nord d’une ville où se serait tenu naguère un grand rassemblement de fidèles. Mais ne nous emballons pas. Pour le « patient zéro », il faudra sans doute attendre encore un peu.
Alors, je préfère encore filer dans les grands espaces d’Into the Wild (2007). Un étudiant brillant y renonce au rêve américain pour une vie aventurière. Aux confins enneigées de l’Alaska, il trouvera une paix spirituelle dans un paradis pur et sain. Ca fait envie, non ?
CONFINEMENT J52.- Mercredi 6 mai : Quel est le point commun entre Sigmund Freud, Achille Zavatta, Stewart Granger, Gaston Leroux, Eugène Labiche, Maximilien de Robespierre, Christian Clavier, Orson Welles, Max Ophuls, Aristide Bruant, George Clooney et Rudolph Valentino ? Alors, l’incorruptible de la Révolution française, le père de la psychanalyse, l’immortel interprète de Jacquouille, le plus grand clown français, le cinéaste de Citizen Kane et celui de La ronde et du Plaisir, l’auteur du Mystère de la chambre jaune et celui d’Embrassons nous, Folleville, le Jeremy Fox des Contrebandiers du Moonfleet, le poète de l’argot et de la chanson réaliste ou le plus célèbre latin lover de l’histoire du 7eart…
J’ai gardé pour la bonne bouche le sémillant George Clooney que j’ai réussi, voilà un petit bout de temps, celui où il triomphait dans Urgences, à faire éclater de rire dans un palace parisien en lui demandant de me dédicacer l’emballage flambant neuf d’un authentique stéthoscope. Il s’est exécuté de bon grâce d‘un « To S. with love ». L’objet est, je le sais, précieusement conservé.
Donc… Toutes ces personnalités sont nées un 6 mai. Dans l’absolu, on pourrait s’en moquer comme d’une guigne. Ce qui n’est pas, personnellement, le cas. Puisque je partage cette date avec eux. Je n’y suis pour rien. Tout est de la faute de ma mère. Comme toujours…
Voilà bien les effets prolongés du confinement. On se met à songer à de ces choses. Proprement futiles, n’est-il pas ? Je pense alors à mon cher Brassens qui, dans La Ballade des gens qui sont nés quelque part, chantait tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités… « Ils n’ont qu’un seul point faible et c’est être habités / Et c’est être habités par des gens qui regardent / Le reste avec mépris du haut de leurs remparts / La race des chauvins, des porteurs de cocardes / Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part… » Ca vous passe un peu l’envie de souffler des bougies…
CONFINEMENT J51.- Mardi 5 mai : Nous sommes tous des Jeffries ! C’est mon ami P.V. qui, astucieusement, fait le lien entre nos vies de confinés et le photographe de presse cloué dans un fauteuil roulant, la jambe dans le plâtre, dans son appartement new-yorkais durant un été chaud… C’est bien sûr dans l’excellent Fenêtre sur cour (1953) du maître Alfred Hitchcock. Sans doute a-t-il plus de chances que nous, le bon Jeff si bien incarné par James Stewart ! Il reçoit régulièrement la visite de sa petite amie, l’adorable et papillonnante Lisa Carol Fremont qui a le charme éclatant de Grace Kelly. Et il peut même se faire masser à domicile par la râleuse Stella (Thelma Ritter). Mais l’analogie entre Jeff et nous s’arrête là. Car ce Jeffries, armé de son téléobjectif, aura, lui, à en découdre avec un certain Lars Thorwald… Je n’en dis pas plus pour ceux qui n’auraient pas encore vu Rear Window. Mais y en a-t-il encore?
Quand les salles de spectacle rouvriont, comment sera gérée la fameuse distanciation physique ? Des fauteuils en quinconce pour préserver les nécessaires espaces de sécurité ? Mais qu’en sera-t-il du spectateur juste derrière moi et qui éternue ? En Allemagne notamment, ce sont les drive-in qui reprennent vie. Chacun dans sa voiture sur un parking, les images en grand sur l’écran et le son dans l’autoradio. Comme dans American Graffiti (1973) du George Lucas d’avant Star Wars. Mais sans le Coca et les hamburgers…
France Inter consacre, ce mardi, toute une journée à la Culture. C’est capital, la Culture. Comme l’ont rappelé, dans une tribune du Monde, de multiples artistes. Dans son discours à l’Assemblée, Edouard Philippe a oublié le secteur culturel. Quant au ministre de la Culture, son silence est tonitruant. Or le secteur de la Culture, ce sont 1,3 million de personnes qui travaillent pour que nous puissions profiter de théâtre, de cinéma, de musique, d’arts plastiques, d’œuvres numériques. Et qui se demandent de quoi seront fait les lendemains…
CONFINEMENT J50.- Lundi 4 mai : Dans une semaine, le déconfinement ! Le compte à rebours est lancé. Mais, l’autre mardi, Edouard Philippe nous a quand même bien refroidi. Du côté de l’Alsace, il voit… rouge, très rouge même.
Pour lutter contre l’empoisonnement tant physique que moral qui semble gagner au fur et à mesure qu’on se rapproche du 11 mai, il faut pourtant cultiver simultanément un brin d’optimisme et une forme de rêve adapté aux circonstances.
Lundi, exit l’attestation de déplacement dérogatoire. Mais aura-t-on pour autant envie de se précipiter dehors ? Car fin du confinement ne signifie pas fin du covid. J’ai entendu des oiseaux de bien mauvais augure prophétiser une sortie pour les vieux en… septembre.
En attendant, presque malgré moi, j’ai quand même commencé à faire une liste. Boire un café au soleil de la place de la Réunion. Déambuler dans les allées du marché du Canal couvert. Prendre mon petit-déjeuner du samedi chez Tilvist. Retrouver mes copains du lundi soir pour notre cours de gym avec Gisèle. Manger une pizza chez Panettone, rue de l’Arsenal ou du poisson au Bistrot à huîtres, le tout arrosé d’un Rully 1er cru Monopole du Domaine de la Folie. J’hésite. Monter au Tannerhubel et m’asseoir sur la terrasse de la ferme-auberge pour contempler le panorama. Retourner à Unterlinden voir le Retable de Grünewald. Prendre le petit-déjeuner du mercredi avec mes cousins. Pousser jusqu’à Bad Krozingen me plonger dans les eaux chaudes de Vita Classica. Aller voir si Sesi et Vicks, les ours polaires du zoo, filent le parfait amour. Emprunter le parcours sportif du Tannewald. Passer chez Geox m’acheter des baskets pour l’été. Prolonger chez Napapjiri pour trouver une chemisette et un bermuda. Déposer mes capsules de Nespresso à la déchetterie. Embrasser mes petits-enfants autrement qu’en FaceTime. Aller au cinéma. Oui, aller au cinéma.
Ah, quand le plaisir simple de boire un café en ville promet d’être une expérience fabuleuse !
CONFINEMENT J49.- Dimanche 3 mai : En cherchant dans ma bibliothèque un bouquin sur les héros de cinéma et spécialement ceux portant un masque, je suis tombé sur des bouquins consacrés à Marilyn Monroe qui, elle, n’en portait pas. De masque.
Constat rapide: on a beaucoup écrit sur Marilyn Monroe. Enormément même, des « poche » à quasiment des livres d’art. Des essais, des chroniques, des romans (Blonde de Joyce Carol Oates) qui balayent un parcours qui va de la fille nue sur le calendrier rouge à la star suprême en passant par les éternelles supputations sur sa fin tragique. En 2012, sortait chez Stock Monroerama, un étonnant puzzle à base d’entretiens avec ceux qui l’ont côtoyée, comprenant la liste des maisons où elle a vécu, les différentes robes qu’elle a enfilées, des informations sur ses amants, mentors ou amis, des textes d’écrivains offrant leur vision du personnage de Marilyn, des essais sur sa voix grave et sexy…
Pour les amateurs absolus, je signale MM – Personal(La Martinière, 2011) où Lois Banner, historienne et féministe, plonge dans les archives privées de la star, en l’occurrence la Monroe Collection que l’on crut longtemps perdue. Dans deux armoires métalliques, étaient réunis quelque 5000 documents, photos, lettres, télégrammes, cartes de visite, reçus, 400 chèques… On en trouve d’abondantes reproductions pleine page dans ce beau livre (352 pages) qui fait écho à un autre ouvrage, également publié à La Martinière (2008), celui-là sous la plume de Jenna Glatzer. Le plus des Trésors de Marilyn Monroe, ce sont de nombreux fac-similés présentés dans des pochettes en papier cristal. On y trouve des planches-contact de Philip Halsman, une couverture de Foto Parade avec Marilyn jeunette en bikini, le certificat de mariage daté du 19 juin 1942 de Norma Jean et de James Dougherty, la carte de membre de Miss Monroe à la Screen Actors Guild ou encore l’aquarelle d’une rose rouge peinte par Marilyn et dédiée à JFK pour son anniversaire en mai 1962.
CONFINEMENT J48.- Samedi 2 mai : En mai, fais ce qu’il te plaît ! Ben non. Désormais, en mai, c’est : Enfile ton masque et fais ce qu’on te dit de faire. Mardi, Edouard Philippe a prévenu. A partir du 11 mai, nous vivrons dans un régime de liberté… avec des exceptions. Sinon, gare ! Pas envie quand même d’un retour du confinement dès le 15 mai.
Il en est un qui ne verra pas le déconfinement, c’est Robert Herbin, alias le Sphinx. Il est parti l’autre jour, à 81 ans, rejoindre le vert paradis. Et comme le temps est au covid, on a cru bon de nous préciser que l’homme à la tignasse rousse n’est pas mort de cela… Herbin, c’était la belle époque de l’AS Saint-Etienne… Celle de la finale de la Coupe des clubs champions 1976.
A Glasgow, les Verts surclassent, dans le jeu, le Bayern de Beckenbauer. Mais ce sont les Bavarois qui l’emportent 1-0. Et la France du foot râle contre les poteaux carrés d’Hampden Park qui ont repoussé deux fois la patate de Bathenay et la tête de Santini… Des poteaux carrés que l’ASSE a, un jour lointain, racheté à Glasgow pour les mettre dans son musée.
A la différence de la boxe, sport qui passe le mieux au grand écran (ah, Raging Bull ou Nous avons gagné ce soir !), le football, malgré de nombreuses tentatives, est réduit –artistiquement- à la portion congrue. Pour trouver, au cinéma, du foot à se mettre sous la dent, il faut se lever matin. Surtout pas Escape to Victory (1980) malgré Huston derrière la caméra et Pelé devant ou encore Les rois du sport (1937) avec Fernandel en gardien de but… C’est à un vrai amateur de foot anglais que l’on doit sans doute le film plus original sur la passion du ballon rond. Supporter du petit club de Bath City, Ken Loach a raconté, en 2009 dans Looking for Eric, l’aventure d’Eric Bishop, un postier de Manchester plutôt déprimé par sa vie privée. Dans ses moments de détresse, il a des pensées suicidaires. Ses hallucinations lui valent alors la visite de son héros, le footballeur Éric Cantona. « Canto » en fantôme… philosophe, un petit bonheur cinéphilique !
CONFINEMENT J47.- Vendredi 1er mai : C’est vrai, je n’ai pas raté une miette de la déclaration télé de mardi d’Edouard Philippe. J’ai préféré la Chaîne parlementaire LCP plutôt que BFM-TV. Allez savoir pourquoi… De toutes manières, j’écoute de moins en moins les infos. Parce que je connais désormais par cœur les annonces officielles sur les gestes-barrière et parce que les débats, les comptes de malades et de victimes, les atermoiements sur les moyens à mettre en oeuvre commencent à me courir sur le haricot. Tout juste, serais-je tenté d’écouter les interventions du « docteur » Trump dont les délires seraient à se tordre de rire s’ils n’étaient pas gravement pathétiques et terriblement consternants.
J’avoue que j’ai quand même entendu, l’autre matin, Marie-Pierre Planchon, la madame météo de France Inter, me gratifier du charmant proverbe : « D’avril, les ondées font les fleurs de mai ». Côté bilan météo d’avril en Alsace, on a compté les ondées sur les doigts d’un tiers de main. Ce n’était qu’un demi-mal puisque cela a permis qu’on descende quotidiennement au jardin pour arroser les plantes…
Dans le monde d’avant, à cette période de l’année, on se disait : « Tu fais quoi, cet été ? » Là, on se demande si on ira à la mer, si on pourra se baigner, si l’hôtel des Bains sera ouvert et comment on fera pour garder les bonnes distances dans la salle du restaurant. Et, tiens, faudra-t-il toujours porter des masques ? Le masque, même alternatif, aujourd’hui, est un outil de santé. Dans notre jeunesse, c’étaient les personnages de cinéma qui portaient des masques. Je me souviens d’Alain Delon dans La tulipe noire (1964) et évidemment de Batman dont le masque noir avait le don d’inspirer la peur chez ses ennemis. Mais le héros masqué de ma jeunesse, c’est Zorro ! Oui, celui de Disney avec le gentil sergent Garcia, Bernardo, le serviteur muet, le méchant Monastorio et Tornado, le beau cheval noir. Et Zorro, lui, réglait tous les problèmes à la pointe de l’épée…
CONFINEMENT J46.- Jeudi 30 avril : Les effets de la crise que nous vivons sont parfois surprenants. Ainsi, l’édition papier de Voici aurait été suspendue en avril. N’étant pas un lecteur assidu de ce magazine people, je dois dire que ça ne me fait ni chaud, ni froid. Les paparazzis sont au chômage. Forcément ! On peut bien faire une photo de vedette confinée et venant sur le balcon de son domicile mais ça ne va pas bien loin. Et surtout, ça ne fait pas vraiment vendre…
Les stars, on les attend plutôt sur l’écran noire de nos nuits blanches. Mais là aussi, elles se font rares. Pour cette année, c’est quasiment certain maintenant, il faudrait se passer du tapis rouge cannois. Le Festival avait prévu de se tenir fin juin-début juillet mais ses organisateurs ont fait comprendre que ce n’était plus une option jouable… Cependant ce pilier majeur de l’industrie du cinéma n’entend pas baisser les bras et veut montrer l’importance que le cinéma a dans nos vies. François Aymé, le président de l’AFCAE, association des cinémas d’art et d’essai, lui, s’inquiète des habitudes –plateformes et petits écrans- amplifiées pendant le confinement. Et il interroge : « Le modèle industriel anglo-saxon d’une consommation compulsive de flux d’images va-t-il encore laisser une vraie place à une alternative artistique, internationale, diverse et attrayante ? » L’exploitation française va avoir une sacrée mission : amener les spectateurs à se « déconnecter » et à sortir de chez eux pour aller voir un film…
A propos de chasseurs d’images, voyez L’œil public(1993), un film peu connu d’Howard Franklin. Au-delà de son agréable côté série B, ce thriller évoque la personnalité d’Arthur Felig (1899-1968) célèbre, sous le nom de Weegee, pour ses photos nocturnes de New York. En 1938, Weegee était le premier et seul photographe branché sur la radio de la police. Ce qui lui permettait d’arriver très vite sur les lieux des crimes et des drames pour réaliser des instantanés saisissants. Un maître du reportage !
CONFINEMENT J45.- Mercredi 29 avril : C’est la saison… On peut manger des fraises qui sont gôuteuses et qui ne viennent pas du Chili ou du Kenya. Sur l’emballage de celles qu’on a trouvé chez un maraîcher de la banlieue mulhousienne, figurait, comme provenance, Saint Sorlin en Valloire. J’ai cherché. C’est dans la Drôme des collines, pas très loin d’Epinouze, de Châteauneuf de Galaure et de Hauterives où le facteur Cheval a construit son Palais idéal… Bel endroit –visité l’été dernier- qui atteste de la foisonnante « folie » créatrice d’un étonnant maître de l’art brut. Et qui doit, aujourd’hui, être fermé comme tous les lieux de culture.
Les fraises de Saint Sorlin étaient des Magnum, une variété de belle taille qui se savourait allègrement. Tandis que la radio m’apprenait que les fruits et légumes ont augmenté de 9% depuis le début de la crise, je songeais à ces routiers qui assurent toujours leurs livraisons. Voilà quinze jours, on pouvait entendre des oiseaux de mauvaise augure annoncer que ces routiers allaient s’arrêter de nous livrer. Aujourd’hui, il n’en est rien. Et ce, malgré des conditions de travail dégradées. Peuvent-ils utiliser les aires d’autoroute ? Pour simplement y faire un brin de toilette, prendre une douche ? Peuvent-ils trouver à se sustenter, autrement qu’avec des sandwiches, sans doute sans grand goût ? Ah, ils ont du mérite de nous amener des fraises dans nos assiettes confinées…
Qu’en est-il des autoroutes aussi ? Quasiment désertes, on imagine. Survolées sûrement par des hélicoptères de la gendarmerie à la recherche de déconfinés sans autorisation filant vers d’amènes campagnes… On ne doit plus y voir tous ces camions immatriculés SK, PL ou LT contre lesquels on pestait quand ils nous empêchaient de dépasser en se doublant… C’était dans le monde d’avant. Dans son Dictionnaire amoureux de l’Inde, Jean-Claude Carrière écrivait : « On peut aussi prendre son temps, choisir les saisons et les heures creuses. Préférer les sentiers aux autoroutes. C’est comme l’amour en fin de compte. Les grands circuits sont les mêmes pour tous. Mais chacun peut y préférer, ici ou là, sa petite chapelle. »
CONFINEMENT J44.- Mardi 28 avril : « Le virus va continuer à circuler parmi nous. Ce n’est pas réjouissant mais c’est un fait ». Edouard Philippe ne l’a pas exprimé de cette manière à la tribune de l’Assemblée nationale mais la prudence était bien présente dans ses propos. Et le constat est simple. Le déconfinement ne sera pas l’occasion de tout basculer par-dessus bord pour reprendre les choses comme dans le monde d’avant…
Alors, devant la représentation nationale, le Premier ministre en a appelé au civisme et à la discipline des Français. Car le succès du déconfinement passera bien par cette nécessité de protéger la France : « Un peu trop d’insouciance, dit Edouard Philippe, et l’épidémie reprendra. Trop de prudence et c’est le pays qui s’enfonce… »
Fallait pas rêver ! Mais en avions-nous vraiment l’intention ? On se doute bien que la poursuite du confinement peut avoir des effets délétères mais le déconfinement doit, lui, se faire progressivement et… géographiquement. Et là, si les indicateurs sanitaires ne sont pas bons, on ne déconfinera pas le 11 mai. On attendra donc le point quotidien du Directeur général de la santé sur les départements « verts » et les départements « rouges » pour savoir à quelle sauce, nous goûterons ou pas ce déconfinement.
En une bonne heure, le Premier ministre a présenté une stratégie qui repose sur le triptyque Protéger-Tester-Isoler. Les gestes-barrière comme la distanciation physique (plutôt que sociale) restent de mise et le masque sera quasiment incontournable. A partir du 11 mai, on va aussi tester et isoler. Et Edouard Philippe d’appuyer sur le fait qu’il s’agit d’une mise à l’abri et non d’une sanction… Bref, cette séance télé dans l’après-midi confiné était assez incontournable. Qu’il s’agisse de l’école, des entreprises, des commerces, des transports et la vie sociale, on n’est pas sorti de l’auberge… Une chose est claire, je ne suis pas encore sur le point de me tremper les doigts de pied dans la Grande bleue…
CONFINEMENT J43.- Lundi 27 avril : Le lundi matin, évidemment à la première heure, j’arrache le petit onglet en papier en bas à droite de mon agenda (oui, j’ai un agenda à l’ancienne donc en papier et j’aime ça) et cela m’amène sur la nouvelle semaine… Las, les colonnes sont désespérement vides. Rien ! Si, des rendez-vous barrés d’un trait de crayon. Une invitation à dîner chez amis, une nouvelle expo à voir, des spectacles à la Filature, une Vie parisienne à l’Eden de Sausheim… Cela dit, j’ai entendu, dans C’est dans l’airsur France 5, que 67% des Français déclaraient vivre bien le confinement. Evidemment, on se demande ce que pensent les 33% restants de ce sondage IFOP. D’autant que les commentateurs notaient que le pourcentage des « satisfaits » était quand même en baisse par rapport aux semaines précédentes. Les sondages sont là pour cela : nous faire parler…
Pour parler, parlons plutôt d’un film qui fait du bien. Je pense à cette comédie colorée et lumineuse qu’est Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. En 2001 (on se souvient que le film rassembla 8,6 millions de spectateurs en France) Jean-Pierre Jeunet raconte l’histoire d’Amélie qui, tournant le dos à la solitude, va se mêler de la vie des autres afin de dispenser le bien autour d’elle. Petit Zorro des temps modernes, Amélie incarnée par Audrey Tautou, gâte les gens simples et gentils au détriment des riches et des méchants. C’est tellement romantique mais tellement bon…
Enfin, vous avez remarqué comme moi que les formules de politesse des messages dans nos boîtes mail avaient évolué depuis le début du confinement. Aux amicaux « Bien à toi » ou aux plus convenus « Bien cordialement », a succédé un « Prenez soin de vous ». Evidemment, les « Bises », « Gros bisous » et autres « Schmutz » ne sont plus de saison. Donc, en ce début de semaine, j’y vais aussi de mon « Prenez soin de vous ». Et je n’oublie pas, en plus, de me laver régulièrement les mains.
CONFINEMENTJ42.- Dimanche 26 avril : Autrefois, en Alsace, le repas dominical, c’était lapin et nouilles. Je me souviens encore des grands disques de fine pâte reposant sur un bout de drap blanc posé à cheval sur le dossier d’une chaise. Ces disques séchaient là en attendant d’être finement tranchés et cuits à l’eau bouillante. En cette période, c’est plutôt les asperges qui sont sur la table. Elles viennent d’Alsace et, si, dans la région, on les mange quasiment brûlantes, j’ai appris –comme on le fait, par exemple à Lyon- à les déguster froides, accompagnées d’une légère mayonnaise maison… Elles restent délicieuses et participent d’une délicat plaisir gastronomique…
Le cinéaste singapourien Eric Khoo ne dit pas autre chose quand il constate : « J’ai toujours été fasciné par la nourriture et par le rôle qu’elle joue dans nos vies. Je crois sincèrement que la cuisine définit qui nous sommes et permet de rassembler les gens en toutes circonstances ». Pour se rassembler, il faudra attendre encore un peu mais on peut aisément goûter La saveur des ramen, son dernier film réalisé en 2018, histoire de Masato, jeune chef de ramen au Japon qui a toujours rêvé de partir à Singapour pour retrouver le gout des plats que lui cuisinait sa mère quand il était enfant… En entreprenant le voyage culinaire de sa vie, il va mettre à jour des secrets familiaux profondément enfouis… On peut aussi en profiter pour découvrir la grande histoire des ramen, cette soupe apportée au Japon à la fin du 19e siècle par des commerçants chinois. Il n’y a pas une recette de ramen mais beaucoup. La base, ce sont les nouilles dont le client choisit la cuisson (fondantes, normales ou al dente) et ensuite le bouillon dont on connaît quatre catégories : shoyu (au soja), tonkotsu (à l’os de porc), shio (au sel) et miso (à la pâte miso). On peut ajouter des tranches de porc, des feuilles d’algues, des oignons verts, des œufs mollets, des pousses de bambou, des champignons noirs, du gingembre. J’en salive déjà!
CONFINEMENT J41.- Samedi 25 avril : Vous connaissez sûrement cette pratique certes ludique mais bien addictive qui consiste à se promener sur Youtube. Une activité que le confinement encourage. De fait, on a tout le temps pour le faire et du temps, il en faut. On commence quelque part, par exemple, revoir les buts de la finale de la Coupe du monde 2018 (ah, la frappe de Pogba !) et puis on se retrouve à écouter La Paloma entonnée par Hans Albers. De là à sauter à Marlène Dietrich et Lili Marleen, il n’y a qu’un air. Puis je tombe sur Zarah Leander chantant « Der Wind hat mir ein Lied erzählt… » Et ce vent qui lui raconte une histoire, elle l’interprète dans La Habanera, un film de 1937 dû à un certain Detlef Sierck qui deviendra célèbre, quelques années plus tard à Hollywood, sous le nom de Douglas Sirk, comme maître incontesté du mélodrame flamboyant…
Dans ce drame exotique en noir et blanc censé se passer à Porto Rico et tourné aux Canaries, Zarah Leander apparaît derrière une plante de studio et on accroche à sa voix grave, presque rauque et à sa manière de rouler les r… Au-delà du fait que La Habanera parle d’une… redoutable épidémie de fièvre portoricaine, cette aventure sentimentale qui mêle, pour une Suédoise amoureuse d’un bellâtre local et macho, le charme du Sud et le mal du pays, est sans doute le sommet de la carrière de Zarah Leander. Cette comédienne et chanteuse suédoise (1907-1981), aujourd’hui passablement oubliée, a été une star très populaire. En 1936, elle obtint un contrat aux mythiques studios de la UFA à Berlin et va devenir l’égérie du cinéma du 3e Reich. Dans l’Allemagne nazie, elle incarne le rôle refusé par Marlène Dietrich, celui d’un modèle de femme sensuelle et fatale, contrepartie artistique de la « femme aryenne ». En 1942, l’année où Die grosse Liebe fit le record d’entrées de tout le 3e Reich, Leander commença à prendre ses distances avec le régime nazi. Elle n’avait jamais adhéré au parti, ni pris la nationalité allemande et avait obtenu de se faire payer 53% de ses cachets en couronnes suédoises…
CONFINEMENT J40.- Vendredi 24 avril : Perdre les pédales par temps de confinement… On est en droit de le penser quand on songe aux récurrentes attaques menées contre Bill Gates sur les réseaux sociaux. Car, à en croire ceux qui s’en prennent, avec une constance qui effare, au fondateur de Microsoft, le malheureux Gates est responsable de la pandémie qui frappe la planète. Pourquoi ? Tout simplement parce que le milliardaire américain entend bien en prendre le contrôle et réduire la population mondiale. Et quoi de mieux pour la mettre sous sa coupe que d’organiser, mieux d’inventer ce virus qui frappe le globe ? Bill Gates et son épouse Mélissa financent, grâce à leur considérable fortune, de nombreux programmes de recherche médicale, notamment dans le développement et l’accès aux vaccins dans le monde. Il n’en faut pas plus aux tenants du grand complot pour voir, derrière cet investissement humain, la main du gouvernement fantôme des mégariches de la planète. Rumeur, évidemment Mais le drame de la rumeur, c’est son caractère lancinant et répétitif. Faire taire une rumeur est quasiment mission impossible. Le seul fait de démonter une rumeur l’alimente encore… Qui a dit, déjà, que seule la connerie humaine donnait une idée de l’infini ?
La rumeur, c’est justement le titre (français) d’un film de William Wyler. En 1961, le Mulhousien d ‘Hollywood réunissait Audrey Hepburn et Shirley MacLaine dans un drame aux allures de thriller (The Children’s Hour en v.o.) qui dénonce l’hypocrisie d’une frange de la société américaine adepte de la chasse aux sorcières. Amies depuis les bancs de l’université, Karen et Martha ont réalisé leur rêve en ouvrant, dans une région huppée des Etats-Unis, un pensionnat privé de jeunes filles. Leur belle entreprise va être mise à mal par le machiavélisme d’une écolière tourmentée dont les mensonges seront le début d’un engrenage funeste…
CONFINEMENT J39.- Jeudi 23 avril : C’est quand même étrange comme cette crise sanitaire perturbe les repères de la vie quotidienne… Voilà cinq bonnes semaines que je n’ai pas sorti la voiture du garage. L’autre jour, je suis allé faire tourner le moteur, histoire de voir. J’ai vu que l’ordinateur de bord m’imposait de faire une révision sous dix jours. Je veux bien mais mon garagiste est-il seulement ouvert ? Pour le reste, j’ai entendu que le prix du baril n’avait jamais été aussi bas. Sans être une lumière en économie, on se doute bien que les automobilistes n’ont pas de raison de faire la queue aux pompes. Manque de clients = prix en baisse ? Les économistes me feront la leçon, je compte sur eux. En attendant, je me dis que ça vaudrait peut-être le coup d’aller jusqu’à la station-service pour faire un plein à bon prix… Parce qu’après le déconfinement, je prends les paris : le prix à la pompe va joyeusement décoller…
Comme je le disais l’autre jour à propos de l’horreur cinématographique pour brûler des calories, j’ai revu Shining. Le Kubrick tient toujours bien la rampe. Mieux, il paraît même d’une singulière actualité. Reçu par la direction de l’hôtel Overlook quelques heures avant la fermeture de l’établissement pour cause d’hiver approchant, Jack Torrance, le nouveau gardien, est briéfé (la séquence démarre à 7’30) sur ce qu’il aura à faire. Au passage, on tient quand même à l’informer que, durant l’hiver 1970, un certain Charles Grady avait travaillé de la hache pour massacrer, sur place, sa femme et ses deux filles. Les enquêteurs et les médecins de l’époque avaient mis ce terrible dérapage sur le compte du… mal d’enfermement ! Une forme de claustrophobie qui se manifeste quand les gens sont enfermés trop longtemps ensemble… Avec un large sourire, Torrance, un Jack Nicholson au sourcil majuscule, avait trouvé que c’était « une drôle d’histoire » et prévenu qu’« une pareille chose ne lui arrivera pas ». On connaît la suite… J’en frissonne encore !
CONFINEMENT J38.- Mercredi 22 avril : Le mercredi, c’est cinéma. Enfin, c’était… Et le président l’a bien dit dans sa dernière allocution télévisée. On reparlera de déconfinement dès le 11 mai mais une chose semble sûre : les restaurants, les bars, les salles de spectacle et les cinémas ne rouvriront pas leurs portes ce jour-là… Selon une étude réalisée fin mars par Vertigo Research (via Box Office), « aller au cinéma » manque déjà à 52,2% des Français.
Pour les salles, c’est évidemment réconfortant de le savoir et… rageant car la fréquentation des salles avait été record en 2019 avec 213 millions de spectateurs, soit l’une des meilleures années depuis 50 ans. Et l’année 2020 semblait se présenter sous de bons auspices aussi.
Dans l’étude Vertigo Research (réalisée en ligne sur « un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population française âgé de 15 ans et plus »), on demandait quel film était le plus attendu… post-confinement ?
A ce petit questionnaire, le fantastique et l’aventure sous toutes ses formes se taillent la part du lion… Les amateurs de cinéma attendent en effet Black Widow avec Scarlett Johansson en espionne quasiment invincible mais aussi Wonder Womanou encore la combattante (dissimulée en homme) de Mulan sans oublier le retour de Donnie Yen dans Ip Man 4, le dernier opus de la mythique saga d’arts martiaux… On peut y ajouter une touche de zombies coréens avec Peninsula et une errance onirique avec Pour l’éternité de Roy Andersson…
Mais incontestablement, en tête des attentes, vient Mourir peut attendre. James Bond a quitté les services secrets et coule des jours heureux en Jamaïque. Mais sa tranquille retraite sera de courte durée. Son vieil ami Felix Leiter de la CIA l’appelle à l’aide… Bientôt 007 se retrouvera aux trousses d’un mystérieux ennemi détenant de redoutables armes technologiques… Prévu pour le 8 avril, l’ultime tour de piste de Daniel Craig aura lieu le 11 novembre prochain. Il pourra s’en passer des choses d’ici là…
CONFINEMENT J37.- Mardi 21 avril : C’est un truisme de dire qu’on se rapproche chaque jour un peu plus de ce 11 mai tant attendu. Même si on ne sait toujours pas très clairement à quelle sauce ce déconfinement progressif et sélectif va nous être servi. En attendant, je suis sorti en fin de semaine pour faire quelques courses. Oh, juste un petit saut jusqu’au drive de Leclerc où j’ai retrouvé, avec plaisir, les mêmes employées souriantes. Toujours là et fidèles au poste. On ne louera jamais assez les petites mains qui tiennent la baraque en ces temps détestables.
En attendant, j’ai eu l’impression que le déconfinement avait comme du plomb dans l’aile. Dans l’avenue d’Altkirch, tandis que les voitures circulent à nouveau (presque) comme avant, j’observe que la boucherie David, longtemps close, a rouvert la boutique. Le garagiste du parking Stoessel, qui avait tiré son rideau depuis un long moment, l’a remonté… Comme si la reprise de la circulation en était la cause, j’ai été contrôlé par la maréchaussée. Le véhicule banalisé –mais avec deux girophares bleus qui ne laissaient aucun doute- était arrêté au milieu du boulevard et contrôlait les autos remontant en sens inverse. Une vitre entrouverte, un coup d’œil précis sur l’attestation de déplacement dérogatoire, cherchant précisément l’heure de sortie, un autre à la carte d’identité tendue. Et, hop, circulez ! Au suivant. Merci, Messieurs…
Une étude établie par l’Université de Westminster a démontré que regarder des films d’horreur permet de brûler des calories. Cela en raison d’une forte montée d’adrénaline. Le travail du docteur Mackenzie a permis de mesurer que la peur et la poussée d’adrénaline permettent de brûler jusqu’à 184 calories en 90 minutes (soit la longueur moyenne d’un film) soit autant qu’en marchant une demi-heure ! Pour le coup, j’ai bien envie de revoir Shining…
CONFINEMENT J36.- Lundi 20 avril : La révolte gronde, mes amis ! Les vieux montent au créneau… Ah tiens donc, nous maintenir confinés jusqu’en décembre 2020, comme l’a suggéré Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Et pourquoi pas ! Faudrait pas qu’elle me tombe sous la main, celle-là… Le sang soixante-huitard des baby-boomers n’a plus qu’à faire un tour ! Sous les pavés, la plage. Bon d’accord, ça va être compliqué de dépaver la moquette de nos appartements confinés. Dans les médias, on ne parle plus que de nous, les anciens, les seniors, les tempes blanches, les vieux donc. Dans son discours de lundi dernier, le président Macron l’avait dit à demi-mot. Les vieux attendront de sortir. Depuis, il semble bien qu’il ait mis de l’eau dans sa tisane et en appelle désormais à la « responsabilité individuelle » de chacun. Tu parles, il fallait illico éteindre l’incendie. Le vieux est aussi un électeur en puissance. Ah, c’est sûr, l’excellent professeur Delfraissy n’est pas « politique » quand il affirme, sur un ton quand même péremptoire, que 18 millions de personnes au-dessus de 65 ou 70 ans resteront bouclés en attendant qu’on trouve peut-être un médicament préventif. Dans 18 mois, au mieux ? Et Alain Minc, proche, dit-on, du président, d’interroger : « Les vieux sont-ils plus contagieux ? Non. Les vieux sont-ils plus fragiles face au Covid-19 ? Oui, mais c’est leur liberté d’assumer ce risque. » Chérie, fais les bagages, on part à la campagne !
Pour adoucir notre confinement, je vous suggère de regarder Quartet, le seul film à ce jour réalisé par Dustin Hoffman, la star de Marathon man, du Lauréat ou de Rain Man. L’action se se situe à Beecham House, une maison de retraite pour musiciens au cœur de la campagne anglaise. Chaque année, trois pensionnaires, anciens chanteurs d’opéra, organisent un concert pour célébrer l’anniversaire de Verdi mais l’arrivée d’une nouvelle pensionnaire, ex-diva grincheuse, va tout chambouler… Une comédie qui incite à l’optimisme. C’est bien ce qu’il nous faut.
CONFINEMENT J35.- Dimanche 19 avril : Tous les jours, vers 13h quand il fait beau -et il fait beau, par bonheur- je remarque une jeune femme, dans un immeuble situé plus loin mais assez à portée de vue néanmoins, qui s’installe sur le rebord de sa mansarde, le dos contre le chambranle. La fenêtre est ouverte. Elle porte un haut sans manches et un short. Elle ne craint pas le vide. Pas de souci de vertige. Sur ses genoux ramenés vers elle, elle a posé un livre dont elle tourne doucement les pages. Pour profiter du soleil, elle change, de temps en temps, de côté… Et puis, au bout d’un moment, elle disparaît de sa fenêtre. J’aimerai bien savoir ce qu’elle lit et qui retient si bien son attention.
Je me souviens d’un film qui s’intitulait Une femme à sa fenêtre. C’était avec Romy Schneider, une réalisation de Pierre Granier-Deferre qu’il avait tiré, en 1976, d’une œuvre de Pierre Drieu la Rochelle. Même si le duo Romy Schneider-Philippe Noiret ne manquait pas d’allure, ce n’était pas une date majeure dans la carrière de l’ex-Sissi. Un autre film, lui très oubliable, de Romy Schneider, en l’espèce Un amour de pluie, demeure pourtant une lumineuse expérience. C’était en 1973 et nous étions partis, de très bonne heure, avec mon ami Daniel Schmitt, photographe émérite, pour le Club Med de Vittel. C’est là que Jean-Claude Brialy mettait en scène les aventures d’une mère et de sa fille de 15 ans en cure dans une ville d’eau, sur fond d’amours de l’une et de l’autre. On ne fera pas offense à Brialy en disant qu’il n’était ni Visconti, ni Bergman. Mais nous n’avions d’yeux que pour Romy Schneider. Lorsqu’elle sortit rapidement de l’hôtel, nous ne l’avons pratiquement pas reconnue. Elle entra vite dans une caravane, servant de loge… Et lorsqu’elle en émergea, le moteur de l’appareil photo du reporter photo de L’Alsace crépita à gogo. Pantalon blanc, chemisier blanc noué sur le ventre et casquette blanche, elle rayonnait de beauté. Les stars ont quelque chose. Elle l’avait. Et nous l’avons regardée à l’œuvre toute une journée…
CONFINEMENT J34.- Samedi 18 avril : Je préviens d’entrée : cette chronique est tirée par les cheveux. Mais on peut couper les cheveux en quatre, rien n’y fait. Le confinement, c’est l’horreur pour toutes celles qui, chaque semaine, s’en allaient chez leur coiffeur pour un coup de peigne et, tous les mois, pour une couleur. Car les salons sont clos, les cheveux en bataille et les racines de plus en plus blanches. Ah, ça va être une bataille dès le 11 mai ! Il faudra se lever matin pour avoir son rendez-vous successivement chez la technicienne pour la couleur et chez la coiffeuse pour la coupe. C’est sûr, ces dames ne seront pas trois pelées et une tondue et ça risque de se crêper le chignon. Ou alors, on est de mèche avec son figaro et on coiffe toutes les clientes au poteau.
Il est vrai qu’avec ma coupe (travaillée à la tondeuse), j’arrive comme un cheveu sur la soupe. Mais j’espère que toutes les mal coiffées, qu’elles aient les cheveux plats, dociles, en bataille ou raides comme des baguettes, ne pensent pas, à cet instant, que je leur cherche des poux !
Puisque tout cela ne tient qu’à un cheveu, je suggère un rendez-vous avec un coiffeur beau comme un Dieu. De cinéma puisque je songe à Warren Beatty, entouré, en prime, de Goldie Hawn et Julie Christie. Dans le bien nommé Shampoo, Hal Ashby, par ailleurs réalisateur de Harold et Maude (1971) ou Bienvenue, Mister Chance (1979), mettait en scène, en 1975, un coiffeur doublé d’un don Juan mondain. S’il séduit allègrement ses clientes, George Roundy se désespère de sa vie de simple employé d’un salon pour femmes. Il rêve d’ouvrir le sien propre et compte sur le mari… de l’une de ses maîtresses pour l’aider… L’action se déroule, en 1968, la nuit précédant la première élection de Nixon à la Maison Blanche. Une satire acide et politiquement incorrecte d’une société encore sexuellement et socialement coincée.
CONFINEMENT J34.- Vendredi 17 avril : Mais non, le confinement n’est pas une malédiction ! Même pas une catastrophe ! Vous soulevez un sourcil. En vous inquiétant dans votre for intérieur à l’idée d’un gros pétage de plomb. Oulà ! Tiendra-t-il jusqu’au 11 mai ? Et encore… Comme on peut me ranger parmi les vieux, la date du 11 mai tient du vœu pieux.
Mais non, j’évoque le bonheur des contemplatifs. Ceux pour qui le confinement, à défaut d’être une nouveauté, était déjà une manière d’être, un modèle de vie. Il ne s’agit pas alors de se complaire à regarder pousser les feuilles de son ficus. Mais plus sûrement de choisir une existence qui laisse le superflu ou l’accessoire hors de vue. Dans Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan écrivait : « Aucun prince, aucune réussite ne peuplaient ses rêves, simplement le temps étalé devant elle dont elle pouvait disposer selon sa volonté propre, un temps contemplatif qui la tiendrait à l’abri. » La contemplation est un art de vivre. Lui manque-t-il peut-être le goût de l’ivresse ? Ce petit bonheur de la bise amicale échangée, la réconfortante sensation de pouvoir serrer dans ses bras (et d’être étreint en retour) celui ou celle avec qui on partage un lien aussi fort qu’invisible… Ah, les gestes-barrière, pour être certes indispensables, m’ont bien privé de cela… Vivement l’après-11 mai. Pourvu que ce ne soit pas en septembre !
S’il en est un qui s’interdit toute forme d’extériorisation des sentiments, c’est bien Jean-Louis Joubert, l’agent de change du film de Philippe Le Guay, Les femmes du 6e étage. Dans son appartement cossu du 16e arrondissement parisien, Joubert (l’inénarrable Fabrice Luchini) n’a pas la moindre idée de la vie des « bonnes à tout faire » espagnoles qui logent là-haut dans les mansardes de son immeuble. Sinon que l’une d’elles fait le ménage chez lui. Une crise conjugale va précipiter Monsieur Jean-Louis parmi Carmen, Maria, Dolorès, Concepcion, Teresa, Pilar et les autres. Et il en sera définitivement changé… Savoureux !
CONFINEMENT J33.- Jeudi 16 avril : En rangeant mes DVD –un travail de Romain, au demeurant- je suis tombé sur une galette sobrement intitulée Adhémar. Vous, je ne sais pas mais moi, ça ne ne disait rien du tout. Vérification faite, cet Adhémar dont le titre complet est Adhémar ou Le jouet de la fatalité date de 1951 raconte les aventures comiques d’un homme qui déclenche l’hilarité générale à cause de son faciès chevalin. Un rôle en or pour… Fernandel qui en assura aussi la réalisation. Mais surtout un scénario de Sacha Guitry qui ne pu mettre le film en scène à cause d’une grave intervention chirurgicale. Cet éblouissant amoureux de la langue française qu’était Guitry est aujourd’hui un peu oublié. Et c’est bien dommage. Car celui qui aimait tourner les aphorismes ( « Si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d’eux, ils en diraient bien davantage ») était un grand homme de théâtre et de cinéma. Qui avait la prétention de ne pas plaire à tout le monde !
Turbulent, touche-à-tout, cet homme-orchestre qui travaillait quinze heures par jour avec une facilité légendaire (124 pièces et 36 films en attestent) était aussi un prince de l’épate doublé d’un moraliste amoureux de la langue française. Belle porte d’entrée dans l’œuvre : Le roman d’un tricheur. Tourné en 1936, voici, selon la formule de François Truffaut, l’« unique film de fiction de l’histoire du cinéma qui soit commenté en voix off à 90% ». A la terrasse d’un café, un homme rédige ses mémoires. Il raconte comment son destin se scelle lorsqu’à l’âge de 12 ans, il est privé de dîner pour avoir dérobé des sous dans la caisse de l’épicerie familiale pour s’acheter des billes. Le soir même, toute la famille meurt empoisonnée en mangeant un plat de champignons. Seul dans la vie et ayant ainsi constaté l’inutilité d’être honnête, il n’aura qu’une ambition : devenir riche. Et il choisit d’être tricheur et voleur professionnel pour parvenir à ses fins. C’est brillant, enlevé, inventif, amoral. Un régal. Orson Welles adorait Le roman… Il n’est pas le seul.
CONFINEMENT J32.- Mercredi 15 avril : Il y a un an, Notre-Dame de Paris partait en fumée. Je me souviens encore bien des images passant en boucle sur les télés puis des formidables élans de solidarité émanant du monde entier. C’était à qui allait donner des millions d’euros ou de dollars pour permettre de reconstruire au plus vite et au mieux ce fleuron gothique… Depuis, évidemment, on en parle moins. Comme de la famine qui frappe ou des guerres qui continuent à ravager le globe, des dictateurs de toutes catégories qui mettent leur pays à leur botte et les peuples à la torture… De quoi ne parle-t-on plus ? Tiens, des criquets pèlerins.
Au demeurant, de petites bestioles assez malfaisantes puisque, selon les autorités compétentes, ces insectes représentent « une menace sans précédent pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance dans la Corne de l’Afrique ». Un essaim de ces criquets a envahi l’Afrique de l’Est l’été dernier. Depuis le début de l’année, l’invasion touche l’Éthiopie, le Kenya, l’Érythrée, Djibouti et la Somalie. La Tanzanie, le Soudan du Sud et la République démocratique du Congo ont suivi… Sur place, on essaye bien de lutter avec des pesticides… Las, depuis mars, la pandémie de coronavirus perturbe la lutte, bloquant les livraisons de pesticides et les financements. Vers juin, on attend l’arrivée des insectes en Afrique de l’Ouest et vers octobre au Maghreb.
Blague dans le coin, j’ai vu sur mon téléphone, une adresse aux Chinois qui ont monté des hôpitaux en dix jours à Wuhan. Pourraient-ils venir finir Notre-Dame vendredi prochain entre midi et deux ? En attendant de savoir, j’ai glissé La rose pourpre du Caire dans mon lecteur. Oui, Woody Allen n’est plus en odeur de sainteté mais que c’est bon d’accompagner Cecilia (Mia Farrow), serveuse dans une brasserie, au Jewel Palace. Pour la cinquième fois, elle est revenue voir le même film. Mais, cette fois, la magie se produit. Tom Baxter, le héros du film, sort de l’écran et va l’entraîner dans une aventure aux multiples rebondissements. On rêve un peu, quoi…
CONFINEMENT J31.- Mardi 14 avril : L’ennui guette, l’ennui menace, l’ennui s’installe… Le temps s’épaissit et ce qui semblait inconcevable la veille, c’est-à-dire avant le 17 mars, date officielle du confinement, paraît aujourd’hui normal. Mais c’est quoi, la normalité désormais ? C’est qu’on a déjà un mois de confinement derrière nous et on n’a pas encore viré maboul. Enfin, pour certains, c’est très certainement plus difficile que d’autres. On l’a déjà dit : il vaut mieux ne pas être une femme battue par ces temps difficiles et il vaut mieux ne pas vivre à six dans deux pièces… On pense aussi aux étudiants surpris loin de chez eux, coincés dans leur chambrette, sans le (petit) boulot qui permet de mettre un peu de beurre dans les épinards. On songe aussi aux SDF pour qui le confinement ne veut rire dire du tout et qui n’ont ni beurre, ni épinards.
Pour se remonter le moral, pourquoi ne pas regarder Gran Torino. Dans ce film qu’il produit et réalise en 2007, Clint Eastwood incarne Walt Kowalski, un vétéran du Vietnam, raciste, irascible, veuf de fraîche date et fier de sa Ford 1972 modèle Gran Torino. Par contre, il n’a que mépris pour ses voisins, des immigrés récents de la communauté hmong. Jusqu’au jour où il vole au secours de Sue, la fille des voisins, en butte à une bande de voyous. Invité dans la famille de Sue, Kowalski découvre la culture hmong, apprécie la cuisine et concède : « Je crois que j’ai plus de choses en commun avec ces Chinetoques qu’avec tous les membres pourris gâtés de ma famille ». Dès lors, Kowalski va accepter ses voisins et même les intégrer parmi ses amis. Mieux, il va accepter de prendre sous son aile le jeune Thao, celui-là même qu’il avait surpris en train de tenter de voler sa chère voiture… Et Eastwood peut alors suivre un homme mal embouché qui va s’ouvrir aux autres. Et s’il ne comprend pas bien les traditions hmongs, il est pourtant en route pour la sagesse… Un film à se passer entre voisins. Prochainement, évidemment.
CONFINEMENT J30.- Lundi 13 avril : Pour dire le vrai, je ne suis pas fan des grands rendez-vous télévisuels. Les déclarations sur fond de drapeaux tricolore et européen ne sont pas franchement ma tasse de thé. J’avoue qu’il m’est arrivé d’aller jeter un œil dans les trésors de l’INA et de goûter les conférences de presse du général de Gaulle. Le président avait, il est vrai, un génie du verbe et le goût des mots rares comme volapük, quarteron et chienlit…
Après avoir annoncé, naguère, que nous étions en guerre, Emmanuel Macron a renoncé, lundi soir à la télévision, à sa tenue de généralissime… C’est avec le ton de celui qui veut croire « qu’il y aura des jours meilleurs, des jours heureux » que le président a brossé un large tour d’horizon de la situation, employant un glossaire façon crise sanitaire où l’on a entendu des mots comme confiance, volonté, ébranlement intime et collectif, résilience, solidarité, fraternité, calme, courage, espoir, efforts, action… Mais évidemment, au-delà des mots et des constats, on attendait surtout un chiffre, en l’occurrence une date. Ce sera donc le lundi 11 mai prochain. Jusque là, ce sera le confinement le plus strict qui s’appliquera. « Car, dit Emmanuel Macron, c’est le seul moyen d’agir efficacement ». Pour les quatre prochaines semaines, on s’en tiendra donc à des règles qui, à en croire le président, ont été pleinement appliquées. « L’espoir renaît mais rien n’est acquis » et le chef de l’Etat a évoqué la fin définitive de l’épidémie, le retour à la vie d’avant en affirmant « en toute franchise, en toute humilité », n’avoir pas les réponses. Mais il a salué une nation debout dans un moment de vérité, un peuple développant, au cœur de l’épreuve, une certaine idée de la France.
L’accent avait quelque chose de fort quand il a souligné que cette crise était une chance d’éprouver notre humanité… A 22h10, la chaîne Action programmait Dien Bien Phu. Je n’ai pas eu le cœur de regarder…
CONFINEMENT J29.- Dimanche 12 avril : Pâques, c’est le dimanche à la campagne, la messe de 10h30, le plus souvent à Juliénas, le gigot d’agneau et les petits qu’on tente de garder loin du jardin tandis que les parents dissimulent les œufs en chocolat sous les feuilles naissantes des haies vives… Et puis, rien. Le confinement est là. La police veille aux sorties des villes, prête à sanctionner ceux que la bougeotte printanière pousserait à prendre la route pour satisfaire au rituel du week-end pascal. On a bien essayé, pour maintenir coûte que coûte la tradition, de cacher quelques œufs en papier doré dans la maison. Evidemment, ça n’a rien à voir d’autant qu’on sait bien où sont les œufs puisqu’on les a mis nous-mêmes. Et puis, le chocolat, hein quand il s’agit d’éviter de prendre du poids.
Le gigot, je n’en fais pas une histoire. Certes, la maison Sanzot en proposait d’excellent. Mais pour les uns, la viande était trop rose, pour les autres trop cuite. Sans parler de la bagarre pour avoir la souris. Confinement oblige, on pourrait tenter le gigot de sept heures. Puisqu’on a le temps.
Voilà longtemps, en 1987 en fait, j’avais rencontré Gabriel Axel à Strasbourg pour le Festin de Babettequi n’avait pas encore, alors, décroché l’Oscar du meilleur film étranger. Homme au demeurant affable, le cinéaste n’avait pourtant pas la tête du joyeux bambocheur. Plutôt l’habitus d’un pasteur scandinave (il était d’ailleurs natif d’Arhus au Danemark) mais il avait pourtant réussi l’un des films les plus captivants sur la célébration de la table… Tiré d’un roman de Karen Blixen, Le festin…raconte l’histoire d’une servante française (Stéphane Audran) au service de deux sœurs au cœur du Jutland. Grâce à un gain de loterie, la cuisinière va concocter un somptueux repas… Le film est superbe et on se souvient longtemps des cailles en sarcophage au foie gras et sauce aux truffés arrosées de Clos Vougeot 1845. De quoi se lécher les babines.
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