LA REPORTER, LES POLITIQUES, LA SOLITUDE, LES PAPES ET L’INDIEN
CAMILLE
Passionnée de photojournalisme depuis son jeune âge, Camille Lepage embrasse le métier de photo-reporter de guerre. Elle s’installera longuement au Sud-Soudan pour mieux faire connaître ce pays. En 2013, elle part en Centrafrique couvrir la guerre civile qui s’y prépare… Le 12 mai 2014, à l’âge de 26 ans, Camille (solidement incarnée par Nina Meurisse) tombe sous les balles d’une bande armée. En allant à l’essentiel, c’est-à-dire le courage et la passion de Camille mais aussi son engagement pour faire connaître un conflit oublié, Boris Lojkine donne un film efficace, rythmé, empathique et souvent brutal où la journaliste s’interroge sur une jeunesse africaine face à un chaos guerrier qu’elle croit juste… Remarquable ! (Pyramide)
ALICE ET LE MAIRE
A l’heure où le politique est bien chahuté, on savoure pleinement cette chronique des coulisses… Paul Théraneau, maire socialiste de Lyon, est vidé. Il se sent comme une voiture de course mais sans essence. Après trente ans de vie politique, il n’a plus une seule idée. Même s’il donne encore le change. Son entourage lui adjoint Alice Heimann, jeune et brillante philosophe chargée de « travailler aux idées ». En s’appuyant sur un Fabrice Luchini savoureusement matois et une Anaïs Demoustier élégamment tonique, Nicolas Pariser peaufine une comédie satirique qui détaille l’impitoyable univers de la politique. Sans doute prévisible, le scénario permet néanmoins une promenade dans un monde clos où un ponte politique est confronté à l’humilité. (M6)
NE CROYEZ SURTOUT PAS QUE JE HURLE
Dans un village du nord de l’Alsace, Frank Beauvais se retrouve, à 45 ans, seul, sans voiture, sans emploi, sans amour et sans réelle perspective d’avenir… A partir d’images prélevées dans des films (en sept mois, il a regardé plus de 400 films) et sur une voix off sans affect, le cinéaste construit un singulier objet de cinéma. Dans l’écoulement des images (on reconnaît difficilement les films mais ils sont tous cités au générique de fin), l’auteur évoque aussi bien l’ivresse de la solitude que sa difficile relation à son père, son autisme social et sa haine de la béatitude bourgeoise. Un journal intime (ou cri de rage ?) comme une bouleversante et fascinante confession ! Le coffret est enrichi de l’intégrale des courts-métrages de Frank Beauvais. (Capricci)
THE NEW POPE
Après le succès planétaire de la série télé The Young Pope (2016), l’Italien Paolo Sorrentino poursuit sa quête dans les sombres coulisses du Vatican… Alors que Lenny Belardo devenu Pie XIII (Jude Law) est dans le coma, les cardinaux choisissent Sir John Brannox, élégant aristocrate anglais, comme nouveau pape. John Malkovich campe ce souverain pontife, adepte du juste milieu, qui va devoir naviguer entre de multiples obstacles tel que le combat contre le terrorisme islamiste, les abus sexuels, le mariage des prêtres… Dans une reconstitution de grande qualité (le Vatican n’a pas ouvert ses portes au tournage), voici une saison (9 épisodes) mystérieuse, surréaliste et captivante. Quand l’Eglise balance entre le sacré et le profane, voire le trivial. (Studiocanal)
WILLIE BOY
Indien de la tribu Paiute, Willie Boy (Robert Blake) revient dans sa Californie natale pour épouser Lola Boniface (Katharine Ross), la femme qu’il aime. Mais le père et les frères de Lola s’y opposent. En état de légitime défense, Willie tue le père et s’enfuit avec Lola. Le shérif Cooper se lance à sa poursuite. En 1969, Abraham Polonsky (1910-1999), l’un des cinéastes victimes de la chasse aux sorcières du maccarthysme, réalise un western atypique et dépouillé de clichés qui évoque l’intégration des peuples indiens. Même s’il est en haut de l’affiche, Robert Redford n’incarne pas Willie Boy mais bien le shérif Cooper. Un film qui, en critiquant le fameux rêve américain, observe cruellement les grands mythes de l’Ouest… (Sidonis Calysta)
AU NOM DE LA TERRE
Revenu d’Amérique où il a travaillé dans un grand ranch du Wyoming, Pierre Jarjeau, 25 ans, retrouve Claire, sa fiancée et la ferme familiale. L’exploitation s’est agrandie, la famille aussi. Pierre ne compte pas son temps mais les dettes s’accumulent néanmoins. S’épuisant à la tâche sous le regard de son père qui ne le comprend pas, le fermier sombre peu à peu. En s’inspirant de l’histoire tragique de son père, Edouard Bergeon (qui avait déjà traité, en 2012 dans le documentaire Les fils de la terre, le suicide des paysans français) raconte, sans pathos, la grande difficulté des agriculteurs livrés à eux-mêmes face aux contraintes multiples. Guillaume Canet en bouleversant en paysan perdant pied… A l’heure de l’agribashing, un autre regard captivant… (Diaphana)
SHAUNE LE MOUTON – LA FERME CONTRE-ATTAQUE
Un vaisseau spatial s’écrase près de la ferme de Shaun. A bord, une adorable petite créature nommée LU-LA. Shaun, le chien Bitzer et tout le troupeau de la Mossy Bottom Farm adoptent immédiatement le malicieux alien aux rots venus d’un autre monde. Mais une sombre organisation veut capturer l’espiègle LU-LA qui est dotée de pouvoirs incroyables. Les studios britanniques Aardman, champions incontestés de l’animation en volume, signe à nouveau une parfaite comédie autour du personnage inventé par Nick Park. Une fois de plus, on part avec plaisir dans les pas de Shaun, le mouton dégourdi. La rencontre épatante du burlesque et de la tendresse ! Les petits et les grands se régalent… (Studiocanal)
LA FAMEUSE INVASION DES OURS EN SICILE
Tout commence le jour où Tonio, fils du roi des ours, est enlevé par des chasseurs dans les montagnes de Sicile… Profitant de la rigueur d’un hiver qui menace son peuple de famine, le roi décide alors d’envahir la plaine où habitent les hommes. Pour moitié adaptation du livre de Dino Buzzatti publié en 1945, pour moitié, scénario original de Thomas Bidegain et Jean-Luc Fromental, le film d’animation de l’Italien Lorenzo Mattotti est une réussite formelle (on songe parfois aux œuvres de De Chirico) et visuelle et aussi une superbe conte moral, initiatique et poétique, sur la grandeur et les misères de l’exercice du pouvoir. (Pathé)
VIENDRA LE FEU
Condamné et incarcéré pour incendie volontaire, Amador Coro, pauvre paysan de Galice resté célibataire, a été libéré et revient chez lui, retrouver Benedicta sa vieille mère qui élève trois vaches. La vie se déroule paisiblement jusqu’au jour où un incendie dévaste la région. Pour son troisième long-métrage primé dans plusieurs festivals, le Franco-Espagnol Olivier Laxe est allé tourner, avec des non-professionnels, dans le village de ses grands-parents. Il filme, dans une œuvre aussi sobre que contemplative, une nature superbe dans une terre austère mais aussi un modèle rural en voie de disparition. Le film a obtenu le prix du jury Un Certain regard au dernier Festival de Cannes. (Pyramide)
VOYAGE AU BOUT DE LA TERRE
Déjà réalisateur de Kon-Tiki (2012) où il évoquait l’expédition du navigateur Thor Heryerdahl, le Norvégien Espen Sandberg s’empare, ici, de l’histoire de son compatriote Roald Amundsen (1872-1928), l’un des plus illustres chefs de file de l’exploration polaire. Au début du 20e siècle, Amundsen caresse son plus grand rêve : être le premier homme à découvrir le Pôle Nord. « Ce n’est pas une expédition, c’est une course » dit un personnage. Au cœur d’un continent glacé et inhospitalier, voici l’aventure d’un homme courageux et déterminé à repousser les frontières des terres inconnues et prêt à tout y sacrifier : famille, argent, amour… Pour le bonheur de pouvoir dire : « Il n’y a plus de terre vierge sur la carte »… (Metropolitan)
DONNE-MOI DES AILES
Scientifique visionnaire, Christian étudie les oies sauvages. Obligé de passer des vacances en pleine nature chez son père, Thomas, adepte des jeux vidéo, parle de cauchemar. Mais père et fils vont se rapprocher autour d’un projet fou : sauver une espèce d’oies naines en voie de disparition. Pour cela, ils ont imaginé, avec l’ULM de Christian (Jean-Paul Rouve), de leur montrer une nouvelle route migratoire moins dangereuse que celle qu’elles empruntent normalement… Explorateur et cinéaste (Le dernier trappeur en 2004), Nicolas Vanier signe une jolie histoire, certes un peu naïve mais évidemment chaleureuse, sur la transmission mais surtout autour de la préservation de la nature, un thème largement d’actualité… (M6)
SŒURS D’ARMES
Journaliste engagée, figure médiatique et militante féministe, Caroline Fourest, auteur de documentaires, passe pour la première fois à la fiction avec l’histoire de Kenza et Yaël, deux jeunes Françaises, qui s’engagent en 2014 dans une brigade internationale pour se battre, au Kurdistan irakien, avec les combattantes kurdes contre Daech. Avec Amira Casar, Camélia Jordana, Esther Garrel ou la nouvelle venue Dilan Gwyn, la réalisatrice donne un film de guerre (largement massacré par la critique à sa sortie en salles) qui fait la part belle à des héroïnes qui ne craignent pas l’action. Reste la dimension du spectacle et la possibilité de s’interroger sur l’impressionnante détermination des combattantes kurdes… (Metropolitan)