LA SHOAH, RENE CLAIR, SAMUEL BECKETT, JLG ET ŒDIPE REVISITE A TOKYO
LUNE DE MIEL
Jeunes Parisiens d’origine juive polonaise, Anna et Adam partent pour la première fois en Pologne pour assister à la commémoration du 75e anniversaire de la destruction de la communauté du village de naissance du grand-père d’Adam… C’est sur le ton de la comédie romantique qu’Elise Otzenberger (qui s’inspire de son vécu) traite de la Shoah. Le risque était grand mais, grâce à la verve tonique de Judith Chemla (Anna), cette comédie mâtinée de gravité réussit à faire sourire tout en contenant, au-delà des notations cinglantes sur le disneylandisation de l’Holocauste et son petit business entre ménorah et… croix gammée, des moments bouleversants sur les racines, l’absence et la mémoire. (Le Pacte)
RENE CLAIR
Pathé mène depuis un bon moment un superbe travail de restauration. Voici, dans ce cadre, quatre chefs d’œuvre de René Clair (1898-1981). On découvre ainsi Paris qui dort (35 mn) et Entracte (22 mn), ses deux premiers moyen-métrages muets datés de 1923 et 1924. Mal reçu à sa sortie en 1934, Le dernier milliardaire, loin du réalisme poétique, est une satire acerbe de la dictature… Après l’exil hollywoodien pendant la guerre, René Clair donne, en 1946, le nostalgique Le Silence est d’or. Dans le petit monde pittoresque des studios de cinéma, voici un hommage aux pionniers du 7e art à travers l’histoire d’un cinéaste vieillissant (Maurice Chevalier) épris d’une jeune actrice… (Pathé)
NOTFILM
Pendant l’été 1964, deux grands artistes du 20e siècle, Samuel Beckett et Buster Keaton donnent naissance à New York à Film, un fascinant et déroutant ovni de cinéma. En 2015, le documentariste et restaurateur de films Ross Lipman s’est plongé dans l’aventure de ce court-métrage muet et avant-gardiste qui demeure la seule incursion du dramaturge irlandais dans la mise en scène de cinéma. Fruit d’un travail de sept ans, Notfilm, en s’appuyant sur des archives (rushes inédits, sons « perdus »), des témoignages, des extraits d’œuvres de Keaton, apparaît comme un passionnant « ciné-essai » sur le mystère de la création. Une rareté ! (Carlotta)
GODARD
Au milieu des années 60, Jean-Luc Godard signe deux films qui observent avec acuité une société en pleine mutation. Dans Une femme mariée (1964), Charlotte (Macha Méril) ne sait qui choisir entre son mari, souvent absent et son amant. Elle découvre qu’elle est enceinte mais ignore lequel est le père. Une auscultation, dans la manière bergmanienne, de l’image des corps. En 1967, Week-end montre un couple de Français moyens (Mireille Darc et Jean Yanne) sur les routes d’Ile-de-France au milieu d’un sanglant chaos apocalyptique, tant matériel, révolutionnaire que caricatural. En remontant un gigantesque embouteillage, JLG donne l’un des plus longs travellings de l’histoire du cinéma… (Gaumont)
LES FUNERAILLES DES ROSES
En 1969, Toshio Matsumoto tourne une œuvre expérimentale qui adapte librement le mythe d’Œdipe Roi et développe un langage cinématographique singulier… Jeune travesti à Tokyo, Eddie a une relation avec un homme plus âgé que lui et entre en conflit avec Leda, la patronne d’un bar gay. Manifeste de la contre-culture nippone des sixties, ce drame en noir et blanc est devenu culte. Dans un style inspiré de Bertolt Brecht, Matsumoto (1932-2017) déploie un récit où la limite entre réalité et fiction se brouille sans arrêt. Une réécriture pop et hybride qui constitue un document inestimable sur le milieu homosexuel nippon de l’époque. On dit que le film aurait inspiré Kubrick pour son Orange mécanique. Une découverte ! (Carlotta)
UN HAVRE DE PAIX
Dans le kibboutz de leur enfance, trois frères se retrouvent pour enterrer leur père. Avishai, le plus jeune, doit rejoindre, deux jours plus tard,Tsahal à la frontière libanaise où un nouveau conflit vient d’éclater. Il interroge ses frères qui ont été soldats. Itaï pense que c’est bon pour endurcir le benjamin. Yoav veut, lui, l’empêcher de partir. Dans un kibboutz hors du temps, le testament du père va réveiller des blessures secrètes. A travers un drame familial, Yona Rozenkier (qui a recruté ses deux frères Yoel et Micha pour incarner le trio fraternel) aborde la question cruciale de la paix en Israël. Malgré la gravité du sujet, le cinéaste, comme l’indique le titre, apporte une touche de burlesque à ce récit poignant… (Pyramide)
RAMPANT
Maître en arts martiaux et fils du roi, le prince Ganglim revient au royaume coréen de Joseon après de nombreuses années passées en captivité dans les geôles des Mandchous. Tandis que des luttes de pouvoir agitent le palais royal, une épidémie transforme les humains en morts-vivants errants à la nuit tombée… Mêlant le film de sabre, le conte médiéval et l’action bondissante, multipliant les personnages, les riches décors et les effets spéciaux, Rampant, troisième long-métrage du Coréen Kim Sung-hoon, fait aussi la part belle aux inquiétants zombies. Entre terreur et fun, un grand et réjouissant spectacle avec des combats impressionnants. (M6)
LES PLUS BELLES ANNEES D’UNE VIE
Plus de 50 ans après Un homme et une femme, Claude Lelouch réunit à nouveau Anne Gauthier et Jean-Louis Duroc. L’ancien pilote de course se perd un peu sur les chemins de la mémoire et séjourne désormais dans une maison de retraite. A la demande du fils de Jean-Louis, Anne va venir le revoir et reprendre leur histoire là où ils l’avaient laissée. Il y a des films qui résistent à la critique. Ces retrouvailles de deux seniors sont de ceux-là. Parce qu’il y a la grâce intacte d’Anouk Aimée et la fragilité craquante de Jean-Louis Trintignant. Ensemble, ils réveillent des souvenirs de cinéma. Forcément, c’est touchant et émouvant. Un hymne à la vie et à l’amour sur fond de chabadabada ! (Metropolitan)
GRETA
Dans le métro new-yorkais, Frances, jeune femme innocente (Chloë Grace Moretz) trouve un sac à main. Elle décide de la rapporter à sa propriétaire. C’est ainsi qu’elle rencontre Greta, veuve européenne esseulée aussi mystérieuse qu’excentrique. En s’appuyant sur une Isabelle Huppert très à l’aise dans le registre de la grande fêlée vite inquiétante, l’Irlandais Neil Jordan (Mona Lisa, The Crying Game, Michael Collins) réussit un agréable thriller « à l’ancienne » qui adresse quelques clins d’œil au maître Hitchcock. Greta se révèle être une psychopathe glaciale qui va, évidemment, s’ingénier à pourrir la vie d’une naïve et fragile jouvencelle… (Metropolitan)
DOMINO – LA GUERRE SILENCIEUSE
Sept ans après Passion, Brian de Palma revient (enfin) au cinéma avec ce thriller d’espionnage sur la guerre souterraine contre Daech. Policier à Copenhague, Christian (Nikolaj Coster-Waldau) a vu son vieux coéquipier Hansen abattu en service. Avec la maîtresse (Carice Van Houten) de son défunt collègue, il part à la recherche du meurtrier entre Scandinavie et Espagne, au cœur d’une Europe menacée par le terrorisme. Encore tournée loin d’Hollywood et avec des moyens modestes, ce film sur la folie du terrorisme (qui a été globalement massacré par la critique américaine) porte cependant, dans son écriture parfois virtuose, la signature De Palma. (Metropolitan)
UNE JUSTICIER DANS LA VILLE
En 1973, autour du thème de l’autodéfense, le Britannique Michael Winner entame la saga Death Wish, sommet du film de « vigilante ». Architecte new-yorkais, Paul Kersey (Charles Bronson dans le rôle de sa vie) voit sa vie s’effondrer à la suite du meurtre de sa femme et du viol de sa fille. Face aux institutions impuissantes, il va se muer en juge, jury et bourreau. Après le n°1, Un justicier dans la ville 2 (1982) retrouve Kersey, cette fois à Los Angeles où sa vie s’effondre à nouveau et où ses pulsions meurtrières reprennent de plus belle ! Les deux films sont accompagnés d’un livre d’une centaine de pages sur l’histoire des films qui ont suscité de nombreuses polémiques. (Sidonis Calysta)
BEAUX-PARENTS
Coline et André sont en parfaite harmonie avec leur fille, Garance et leur gendre Harold. Mais Garance se sépare d’Harold et intime à ses parents l’ordre de ne plus jamais le revoir. En secret, les parents refusent de couper les ponts avec leur gendre. Pire, ils oeuvent pour qu’il fasse la reconquête de leur fille… Entre émotion et comédie, voici un vaudeville qui n’a que l’ambition de faire passer un bon moment au spectateur. Bruno Bénabar (Harold), Charlie Bruneau (Garance) mais surtout le pétulant duo Josiane Balasko-Didier Bourdon se chargent de faire prendre la sauce. Un film qui n’évite pas les clichés mais que ses comédiens rendent divertissant ! (Orange Studio)