Des familles, des femmes de télévision et deux gardiens de musée
La rentrée des salles obscures, ce sera, par exemple et entre autres, le nouveau Woody Allen (18 septembre). Placardisé à Hollywood, Allen peut (enfin) montrer chez nous Un jour de pluie à New York. James Gray se lance dans l’épopée spatiale avec Brad Pitt dans Ad Astra (18 septembre), Céline Sciamma signe un Portrait de la jeune fille en feu (18 septembre) que l’on sent coruscant et on attend avec curiosité Jalil Lespert adaptant Feydeau dans Le dindon (25 septembre) avec Dany Boon, Alice Pol et Guillaume Gallienne en tête de distribution…
Avant d’attaquer ces (possibles) gros morceaux, revenons un instant sur quelques productions déjà sorties sur les écrans et parfois même déjà disparues des affiches…
Le casting de Fête de famille (France – 1h41. Dans les salles le 4 septembre) a de l’allure avec Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot, Vincent Macaigne et Cédric Kahn qui joue et met également en scène son onzième long-métrage dans ce qui est un genre presque en soi : le film de famille…
« Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et j’aimerais qu’on ne parle que de choses joyeuses. » Comme on sait très bien que les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne, on se doute bien que cette maisonnée installée dans la belle campagne de Dordogne, va connaître une journée difficile. Car Andréa (Deneuve) va voir débarquer sa fille aînée Claire, disparue depuis trois ans et décidée à reprendre ce qui lui est dû, quitte à mettre l’anniversaire sens dessus dessous en réclamant l’argent que représente sa part de la maison…
Le réalisateur de Bar des rails (1991), L’ennui (1998), Roberto Succo (201) ou Les regrets (2009) va organiser un récit où, comme des poupées russes, s’emboîtent des manipulations, des accidents, des révélations, des renversements d’alliance tandis que les enfants préparent une pièce de théâtre pour leur grand-mère…
Alors que Catherine Deneuve joue en retrait un personnage de mère et de grand-mère qui s’efforce toujours d’arrondir les angles mais qui, cette fois, n’y parvient plus, les éclats et la démesure finissent par tout empoisonner dans la famille… A ce jeu de la démesure, Vincent Macaigne, le fils qui tient à tourner un « documentaire d’archives » sur sa famille, et Emmanuelle Bercot, Claire la revenante qui souffre clairement de troubles psychiatriques, excellent. Tellement d’ailleurs que le spectateur finit par éprouver un quasi-malaise. Tandis que Cédric Kahn ponctue son film de deux belles chansons (Mon amie la rose de Françoise Hardy et L’amour, l’amour, l’amour de Mouloudji), on ressent une envie de plus en plus pressante. Quitter cette fête de famille sur la pointe des pointes. Pour ne déranger personne et laisser ces adultes malheureux se déchirer sans nous…
Parce qu’Emma Thompson est à l’affiche, on ne pouvait pas faire l’impasse sur Late Night (21 août), la comédie signée par la Canadienne Nisha Ganatra. D’ailleurs, Late Night part bien, adoptant un petit ton façon Le diable s’habille en Prada avec une célèbre présentatrice de « Late Show », spécialement mauvaise coucheuse. Elle n’assiste que très rarement aux réunions de l’équipe chargée d’écrire ses punchlines et lorsqu’elle daigne venir, elle se contente de numéroter les braves soutiers qui galèrent quotidiennement pour lui trouver de bonnes vannes. Mais, hélas, l’émission de Katherine Newbury est en perte de vitesse. Et l’on sait bien que rien ne terrorise plus les propriétaires de chaînes de télévision que les chutes d’audience… Alors Katherine Newbury va devoir trouver une solution. Et si on faisait entrer une femme, et plus encore issue d’une minorité, dans l’équipe pour dynamiser un navire en plein déclin ?
Scénariste et actrice –c’est elle qui tient le rôle de Molly, la nouvelle venue- Mindy Kalling s’est inspirée de son propre parcours dans l’industrie du divertissement. Elle fut en effet la première femme de couleur à écrire pour la sitcom The Office avant de devenir l’héroïne de sa propre série, The Mindy Project…
Comme la Britannique Emma Thompson (qui débuta sa carrière dans le stand-up) a une belle prestance, le sens de la comédie et un solide métier, elle n’a aucune peine à incarner cette Katherine Newbury à la fois attachante dans ses faiblesses (bien cachées) et irritante dans ses mauvaises habitudes et ses difficultés à manager une équipe. En face d’elle, Mindy Kalling, avec sa Molly évidemment bien balisée, agrége tous les clichés sur la femme battante issue de la minorité. Pendant un bon moment, le duo fonctionne bien, d’autant que Katherine Newburn s’obstine à cultiver l’excellence en faisant fi, notamment, de l’impérialisme d’internet ou de la puissance des réseaux sociaux. Ce qui est plutôt réjouissant. Et puis, avec un « scandale » sexuel (« Bienvenue à MeToo », lance un collaborateur) suivi d’une confession en direct, face caméra, Late Night perd doucement de son intérêt. On n’a complètement éteint le poste mais on n’est plus vraiment dedans non plus…
Au mitan d’août, on a bien aimé Perdrix (14 août), le premier long-métrage d’Erwan Le Duc qui fut, avant de passer au cinéma, journaliste sportif au Monde. Voici l’histoire résolument loufoque de Pierre Perdrix, officier de gendarmerie dans une petite ville des Vosges où la vie déroule paisiblement son cours. Sinon que les pandores ont quelques soucis avec une bande de révolutionnaires nudistes (ou l’inverse) qui leur font des coups pendables. C’est à cause d’une opération des nudistes (ils volent la voiture de Juliette Webb) que Pierre Perdrix va voir son existence bouleversée par cette tornade nommée Juliette qui sème le désir et le désordre dans son univers et dans celui de sa famille, les obligeant tous à redéfinir les frontières et à se mettre enfin à vivre… Tourné du côté de Plombières-les-Bains et mettant en valeur la belle nature montagneuse vosgienne, Perdrix cultive ce genre délicat à manœuvrer qu’est le burlesque, ici mâtiné de romantisme tendre. On imagine que ce n’est pas forcément évident pour un spectateur habitué à des formats plus mainstream. Mais justement, l’aventure concocté par Le Duc demande justement de lâcher un peu prise et de faire un bout de chemin avec Perdrix, Juliette, Thérèse, Julien et Marion. C’est d’autant plus agréable qu’ils sont incarnés par l’excellent Swann Arlaud, la pétillante Maud Wyler, la chère Fanny Ardant (ah, cette voix pour une émission nocturne façon Macha Béranger !), le keatonesque Nicolas Maury ou la jeune Patience Munchenbach. On s’est laissé prendre au rythme et à la petite musique de Perdrix et on a aimé.
Le petit côté « ça part bien et ça se plante finalement », on l’a aussi éprouvé assez fortement dans Je promets d’être sage (14 août), la comédie de Ronan Le Page avec Pio Marmaï et Léa Drucker. Ca commence bien, dans une séquence pré-générique, qui passe à la moulinette les excès et les galères d’un théâtre révolutionnairo-engagé. C’est d’ailleurs parce qu’il a tout raté dans la mise en scène que Franck plaque les planches pour un poste de gardien dans un musée de province. Le réalisateur réussit alors de rapides petits croquis sur les collègues gardiens de musée de Franck… Et puis celui-ci va croiser la route de Sibylle, agent de surveillance comme lui… mais femme complètement toxique. Lorsque la direction du musée décide de faire l’inventaire de ses collections, Sibylle craque complètement. Franck va découvrir qu’elle vole régulièrement des pièces dans les réserves… Las, le film va alors se perdre dans un scénario improbable. On sourit surtout en se disant que la fiction rattrape la réalité. Et qu’un musée mulhousien a eu naguère à connaître une aventure similaire…