L’angoisse de Janne et la terreur au palace
EXISTENCE.- C’est une existence plutôt ordinaire que celle de la trentenaire Janne Mann. On la rencontre alors qu’elle fait ses courses dans une grande surface de bricolage avant de la retrouver, avec son compagnon Piet, en train de retaper une maison dans la campagne bavaroise. Tous les deux ont œuvré dans le monde de l’édition mais leur petite entreprise est en train de faire faillite et Samuel, leur « auteur-vedette », est parti à la concurrence… C’est dans ces moments troublés que Janne se rend à une soirée entre anciens de promo. L’occasion de danser, de boire allègrement, de revoir aussi Robert dont Janne fut, autrefois, la baby-sitter des enfants et qui est désormais en couple avec Sissi, une jeune femme instable de l’âge de Janne. Travaillant dans l’édition, Robert propose un job à Janne. Il lui présente aussi Martin, son beau-frère, également employé dans sa maison d’édition… Au terme de la soirée, Janne accepte de loger Martin pour la nuit. Ils rentrent ensemble en tenant difficilement debout. Martin réclame un petit bisou. Janne en rit : « Tu te conduis comme un gamin de 5 ans ! » Dans une chute, Janne se blesse à la pommette. Martin se fait plus pressant : « Tu sais que tu me laisses en plan, là ! » et Janne réplique : « Je crois que je n’en ai pas envie ». Mais Martin se couche sur elle… Sans se débattre, Janne attend : « T’as fini ? »
Avec Comme si de rien n’était (Allemagne – 1h30. Sur les plateformes VOD à partir du 3 juillet), Eva Trobisch, après des cours de cinéma à Munich, New York et Londres, signe, ici, son film de fin d’études. Dans les premières esquisses de son scénario, Eva Trobisch avait mis le couple Robert/Sissi au centre du récit. Après avoir mené à bien une grossesse, la cinéaste berlinoise de 36 ans a remis l’ouvrage sur le métier pour centrer le film sur Janne, un personnage de femme moderne, éduquée, rationnelle, cynique qui réclame le droit d’être qui elle veut, de ne pas être contrainte par quoi que ce soit ou qui que ce soit. Alles is gut (en v.o.) va donc observer la force et les limites de cette auto-détermination, qu’elles soient sociales, physiques ou émotionnelles.
Dans une mise en scène sobre et dépouillée, dépourvue de musique (la scène du viol est un modèle de séquence anti-spectaculaire, voire banale), Eva Trobisch, avec une sorte de regard d’entomologiste, observe à la loupe les comportements d’une jeune femme qui s’installe dans un douloureux déni pour tenter de juguler une situation impossible tandis qu’autour d’elle s’agitent des individus inscrits dans un système qui les rend inextricablement dépendants les uns des autres… Hébétée par ce viol sans coups, sans cris, sans larmes, Janne (Aenne Schwarz, omniprésente à l’écran, est remarquable) voit les pans de son monde s’écrouler les uns après les autres. La cinéaste filme d’ailleurs d’autres morceaux d’existence (Piet, Robert, Martin évidemment, Sabine, la mère de Janne) qui s’effondrent tandis que Janne tente de lutter encore. Jusqu’à cette ultime séquence dans le métro munichois… Un remarquable premier long-métrage tourné avant l’émergence du mouvement #MeToo mais qui éclaire, avec finesse et à-propos, le sujet.
COURAGE.- Du 26 au 29 novembre 2008, dix attaques terroristes coordonnées menées par dix jeunes terroristes, entraînés au Pakistan, frappent différents lieux de Mumbai en Inde comme la gare, des restaurants, des hôtels dont le prestigieux Taj Mahal Palace. Les attaques feront 188 morts (dont 26 étrangers) et 312 blessés. Neuf des dix terroristes seront tués dans les combats avec les forces de l’ordre. Le dixième sera jugé par les tribunaux, condamné à mort et exécuté. En s’inspirant des faits réels (notamment évoqués dans le documentaire Surviving Mumbai), le réalisateur Alexandre Maras met en scène, avec Attaque à Mumbai (Inde/Australie – 2h03. En e-cinéma à partir du 4 juillet), un solide film à suspense qui va centrer son action sur les événements survenus au fameux « Taj » et s’attacher, évidemment –c’est la loi du genre- à suivre une poignée de personnages emblématiques… On trouve ainsi, côté personnel de l’hôtel, Arjun, un trentenaire sikh, employé au service du restaurant et son patron,l’exigeant chef des cuisines Oberoi. Côté clients, c’est un joli couple de VIP composé de la belle Indienne Zhara et David, son mari, architecte américain. Leur tout jeune bébé est entre les mains de Sally, sa nounou. Plus original, Hotel Mumbai (en v.o.) s’intéresse à un certain Vasili Gordetski, sulfureux homme d’affaires russe, amateur de filles vénales à gros seins et, on l’apprendra plus tard, ancien des forces spéciales. Du coup, on se dit que ce gars-là va sans doute y passer. Non sans avoir cependant chèrement vendu sa peau et avoir soutenu Zhara en pleine détresse parce que sans nouvelles de son petit Cameron…
Attaque à Mumbai va décrire, par le menu, les exactions de jeunes terroristes à qui un commanditaire lointain dicte ses ordres par téléphone portable tout en attisant leur haine des infidèles : « Ce sont des chiens ! Pas de miséricorde… » Les yeux ronds mais les mitraillettes chargées, Imran, Houssam et leurs frères déboulent dans le luxe impressionnant du Taj Mahal et entreprennent d’abattre tous ceux qui bougent. Puis, ils montent dans les étages, frappent aux portes, en prétextant le room service, et continuent à tuer impitoyablement… Du côté du personnel de l’hôtel (qui payera un lourd tribut), la « religion » maison, c’est « Le client, c’est Dieu ». Arjun, au péril de sa vie, et ses camarades feront tout pour respecter ce précepte, développant un magnifique courage.
Le film repose sur un solide casting international avec le Londonien Dev Patel (Arjun) célèbre depuis Slumdog Millionaire, l’Américain Armie Hammer (David) vu naguère dans Call Me By Your Name, l’Anglais Jason Isaacs (Vasili) qui fut Lucius Malefoy dans Harry Potter, l’Anglo-Iranienne Nazanin Boniadi (Zhara) qui est apparue dans Iron Man ou La guerre selon Charlie Wilson ou encore Ampan Kher (Oberoi), figure incontournable de Bollywood avec plus de 200 films à son actif.
Alors que le monde entier découvre le drame dans les breaking news de toutes les chaînes de télévision, dans le Taj Mahal, c’est un pur chaos qui règne. Attaque à Mumbai, en cultivant parfois de petites notations souriantes (les chaussures trop serrées d’Arjun, David commandant un cheeseburger au boeuf ou l’émerveillement des terroristes devant les toilettes) demeure au plus près de l’action et distille, à la fois, des frissons d’effroi et une forte émotion…