Les agents secrets, la veuve noire et les poules heureuses
UNIVERS.- Depuis 1997 et le débarquement sur nos grands écrans des agents K (Tommy Lee Jones) et J (Will Smith), on est tout à fait persuadé que nous ne sommes pas seuls dans l’univers et peut-être même que nous ne sommes pas l’espèce la plus évoluée. Il y avait donc de quoi s’attacher à l’aventure des Men in Black… Leur imposant succès (5,7 millions d’entrées en France) a évidemment contribué à des suites avec un n°2 en 2002 et un n°3 en 2012, tous signés Barry Sonnenfeld.
Avec, cette fois, F. Gary Gray aux manettes, le nouveau MIB, désormais International, a été frappé de plein fouet par la vague #MeToo. Exit les deux… Men et vive l’arrivée de la (Wo)Man…
En 2016, les agents du MIB de Londres, H et Grand T, affrontent, dans les hauteurs de la tour Eiffel, une engeance extraterrestre bien malfaisante nommée La Ruche. Vingt ans plus tôt, du côté de Brooklyn, la jeune Molly croise un jeune extraterrestre, lui sauve la vie et voit ses parents se faire « neurolyser » par des Men in Black. Evidemment marquée par ces événements, Molly n’aura de cesse d’en savoir plus et surtout de localiser le quartier général du MIB. Elle parvient un jour à y pénétrer mais se fait repérer. Au lieu de lui effacer la mémoire, l’agent O (Emma Thompson, en guest-star pépère et… féministe) décide de lui donner sa chance. Désormais stagiaire à l’agence de Londres, Molly va œuvrer en binôme avec l’agent H sur une enquête liée à la Ruche qui les entraîne à Marrakech puis en Italie.
Pas mal reboot et un peu spin-off, MIB International (USA 1h55. Dans les salles le 12 juin) tente donc de renouer avec une franchise à succès. On le sait, les MIB ont pour mission de protéger la Terre de la vermine de l’univers, mais celle-ci est plus nombreuse que jamais et la menace est d’autant plus grande qu’elle peut prendre la forme de n’importe qui, même d’agents du MIB… On s’attend donc à assister à des poursuites et des explosions propres à ce genre de blockbuster. Et ça ne rate pas, on devine à quel rythme, ça va péter. Pour porter l’enquête de M et H, on trouve une suite de personnages plus ou moins attendus comme Pawny, mini-extraterrestre déguisé en pièce d’échecs, Riza, une méchante marchande d’armes dérangée, un alien à tentacules ou encore deux tueurs acrobates incarnés par les jumeaux français Larry et Laurent Bourgeois… C’est du côté du casting que MIB International est sans doute le plus intéressant. Outre le « vétéran » Liam Neeson en grand T soupçonné d’être une taupe au sein du service, le duo H et M est défendu par l’Australien Chris Hemsworth, mondialement connu pour avoir été Thor dans les films Marvel et l’Américaine Tessa Thompson, vue également dans l’univers Marvel (Avengers : Endgame tout récemment). Toute cette grosse machinerie se regarde du coin de l’œil mais n’a rien de bouleversant.
AMITIE.- Perdre son sac dans le métro, c’est vraiment le sale coup ! Alors on comprend aisément que Frances McCullen ait trouvé très naturel de le rapporter à sa propriétaire d’autant qu’il y avait tout ce qu’il fallait dedans pour retrouver Greta Nideg. C’est sûr que Frances aurait pu déposer ce sac à main au bureau des objets trouvés du commissariat le plus proche. Mais là, elle va donc sonner à la porte de cette veuve esseulée aussi excentrique que mystérieuse. Qui, évidemment, l’accueille avec un grand ouf de soulagement… Bientôt cette Greta qui avoue souffrir d’une insoutenable solitude, va mettre le grappin sur Frances pour s’en faire une amie. Comme Frances est fragilisée par la mort récente de sa mère, elle entre dans le jeu de Greta. Même si elle se rend quand même compte que faire d’une parfaite inconnue, une mère de substitution, c’est assez tordu. D’autant que cette relation va rapidement prendre un tour des plus inquiétants. Et lorsque Frances découvre, dans un placard du domicile de Greta, un alignement de sacs tous semblables à celui qu’elle a trouvé dans le métro, elle se dit que quelque chose de machiavélique est en route. Mais n’est-il pas trop tard ? Frances a-t-elle définitivement mordu à l’hameçon ?
Révélé par La compagnie des loups en 1984, l’Irlandais Neil Jordan, 69 ans, a été remarqué pour des films comme Mona Lisa (1986) ou Michael Collins (1996), fresque historique sur l’un des héros de l’indépendance irlandaise… « Ce qui m’a séduit dans ce projet, c’est la simplicité de l’intrigue, dit le cinéaste. Une jeune femme, une veuve et un sac à main de cuir vert. L’idée que toute rencontre fortuite puisse aussi bien déboucher sur une amitié réconfortante que donner lieu à l’emprise terrifiante d’une relation obsessionnelle m’a intrigué. » Deux femmes, d’âges différents, tentant de combler, par amitié, les manques de leurs existences, il y a là bien matière à intrigue. Mais Greta (USA – 1h37. Dans les salles le 12 juin) s’embarque vite dans des méandres improbables. Pas question de révéler, ici, les rebondissements d’un thriller qui tente de susciter la terreur autour d’un personnage forcément monstrueux même s’il est parfaitement lisse d’apparence. Evidemment, on peut appeler alors le cher Alfred Hitchcock à la rescousse, ça n’y changera rien. On décroche vite de cette histoire où le petit chaperon rouge new-yorkais s’apprête à se faire croquer par un loup déguisé en professeur de piano. Si Chloë Grace Morez, vue récemment dans le Suspiria (2018) de Luca Guadagnino, remake du film-culte de Dario Argento, installe son joli minois dans ce mauvais rêve éveillé, on reste un peu plus sur notre faim quant à la performance de notre Isabelle Huppert nationale. Hiératique, engoncée dans son imper, sa Greta, dangereuse sous tous rapports, finit par ne plus faire peur. Pour un peu, elle ferait pitié.
OEUFS.- L’actualité rattrape souvent la fiction… L’autre jour, on apprenait ainsi qu’une vidéo publiée en ligne par le collectif L214 avait mis le feu aux poudres du côté d’une grosse exploitation du Morbihan, les militants dénonçant les mauvais traitements infligés à des poulets en cage… Dans Roxane (France – 1h25. Dans les salles le 12 juin), c’est tout le contraire qui se passe ! Petit producteur d’œufs bio dans un élevage du centre Bretagne, Raymond Leroux est, lui, très attentif au bien-être de ses gallinacées. On imagine volontiers qu’une poule bien dans ses plumes et sur ses pattes, fait de plus jolis œufs qu’une malheureuse en batterie… Mais Raymond a un (beau) secret pour rendre ses poules heureuses ! Lui, qui ne se déplace jamais sans sa fidèle Roxane, une jolie poule blanche, réunit quotidiennement sa basse-cour pour lui déclamer des tirades de Cyrano de Bergerac. Et c’est simple, « Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme ! », les poules bretonnes en raffolent. Mais, las, le théâtre et les vers, c’est bien beau ! Raymond et sa famille subissent de plein fouet la pression et les prix imbattables des grands concurrents industriels. Pour tenter de sauver sa petite entreprise, sa famille et son couple, le fermier a une idée aussi folle qu’incroyable: faire le buzz sur Internet.
Originaire de Vannes, ayant passé beaucoup de temps chez ses grands-parents agriculteurs, Mélanie Auffret a trouvé le sujet de son premier long-métrage lorsqu’un fermier, plutôt taiseux, lui avait confié un secret : il récitait souvent des textes de grands auteurs de théâtre à ses vaches pendant la traite… Porté par un Guillaume de Tonquédec dans un registre aimablement romantique, Roxane se présente comme une agréable petite comédie joliment caquetante. Si Raymond est touchant autant quand il parle à ses poules que lorsqu’il se met en scène sur ses vidéos bien cheap pour Youtube, autour de lui, les autres personnages sont plus caricaturaux, qu’il s’agisse des collègues agriculteurs, du patron du « méchant » groupe industriel ou encore de la combattive épouse (Léa Drucker), de Poupou l’autarcique un peu neu-neu (Lionel Abelanski) ou de la grand-mère grande gueule (Liliane Rovère). Bref, tout cela est bien gentil. Ca ne va pas bien loin mais ça ne fait de mal à personne. C’est déjà ça…