LE VIDEUR, LE PIANISTE, PERHAN, CYRANO, COLETTE ET LES INFIRMIERS
GREEN BOOK
En 1962, Tony Lip, videur italo-américain du Bronx, est embauché comme chauffeur par le Dr Don Shirley, célèbre pianiste noir. Dans sa tournée de concerts dans le sud américain ségrégationniste, le duo va se confronter à la pire bassesse humaine. Oscar du meilleur film 2019, Green Book : Sur les routes du sud, de Peter Farrelly, pour la première fois en solo sans son frère Bobby, est un road-movie cocasse et grave sur le racisme ordinaire. Avec son accent italien à couper au couteau (à déguster en v.o.), Viggo Mortensen est simplement remarquable et aurait mérité de partager l’Oscar de meilleur acteur avec Mahershala Ali, il est vrai, épatant en musicien de talent luttant contre l’intolérable avec une distance élégante. Une superbe ode à l’amitié portée par deux comédiens virtuoses. (Metropolitan)
LE TEMPS DES GITANS
D’une part, il y a la (rude) réalité de l’existence des tziganes, de l’autre l’imagination débridée d’Emir Kusturica. Avec Le temps des gitans, on tient une belle occasion de revenir à l’une des œuvres les plus lyriques du double palmé cannois. En 1988, il raconte les aventures de Perhan, jeune adolescent un peu naïf, couvé par sa truculente grand-mère, qui pour faire soigner les jambes de sa petite sœur infirme, accepte de partir en Italie avec un petit parrain crapuleux qui se livre au trafic d’enfants… Un film mis en scène comme un foutoir baroque qui rend notamment hommage au Fellini d’Amarcord. On avait un peu perdu de vue le cher Emir (qu’on retrouve dans les bonus, évoquant le rêve gitan). Voilà une occasion magnifique de renouer avec le meilleur de son oeuvre! (Carlotta)
EDMOND
En décembre 1897, Edmond Rostand, pas même 30 ans et déjà deux enfants, est taraudé par l’angoisse de la page blanche. Tirant le diable par la queue et, en désespoir de cause, il propose au grand Coquelin une comédie héroïque en vers. Dont il n’a cependant pas écrit la première ligne ! Dans l’allègre Edmond, Alexis Michalik transpose sa pièce à succès à l’écran et emballe son monde en détaillant, avec brio, la genèse du célèbre Cyrano de Bergerac. Olivier Gourmet est tonitruant en Coquelin et Thomas Solivérès est un jeune Rostand torturé qui va accéder à la gloire littéraire. Quand le génie est à l’œuvre, les mots se mettent rapidement à pétiller ! Epatant. (Gaumont)
DE CHAQUE INSTANT
Depuis Etre et avoir (2002) mais aussi avant ce gros succès, Le pays des sourds (1992), on sait la place de choix que Nicolas Philibert occupe dans l’univers du documentaire. Après le Louvre ou la Maison de la radio, il s’attache, cette fois, à la formation d’élèves infirmiers et infirmières. En janvier 2016, le cinéaste fait une embolie qui le conduit aux urgences puis dans un service de soins intensifs. Une fois sorti d’affaire, il décide de faire ce De chaque instant qui détaille, comme un véritable rituel, la gestuelle et les règles qui président à l’apprentissage soignant. En trois actes et sans céder à la tentation de faire des portraits, le cinéaste s’attache à montrer un processus collectif qui fera de ces jeunes gens des soignants compétents, dévoués, attentifs et bienveillants. Passionnant. (Blaq Out)
COLETTE
Grande dame de la littérature française, Colette (1873-1954) se battit pour faire triompher sa liberté dans un monde patriarcal incarné par Willy, son époux et mentor égocentrique (Dominic West, étonnant). Avec Colette, le réalisateur anglais Wash Westmorland ose la bio de l’auteur de Claudine à l’école (best-seller que Willy s’attribua longtemps) pour brosser le portrait, dans le Paris bohême de la fin des années 1800, d’une vraie rebelle attachée à l’émancipation des femmes. Si la mise en scène est assez conventionnelle, la fine et belle Keira Knightley (revue récemment dans Cœurs ennemis) apporte un charme piquant à cette artiste qui souffrit longtemps de ne pas être reconnue pour son œuvre… Emouvant. (Studiocanal)
UN BEAU VOYOU
C’est avec un enthousiasme mitigé que le commissaire Beffrois envisage la retraite. Mais un vol de tableau va réveiller son instinct de flic… Est-ce l’élégance du procédé ? L’audace du délit ? La beauté de l’œuvre volée ? Premier film de Lucas Bernard, Un beau voyou est un double récit, d’abord celui de l’esthète Beffrois puis celui de l’énigmatique Bertrand, monte en l’air talentueux. Tant et si bien que l’enquêteur décidera que la traque de Bertrand sera son ultime coup d’éclat. Une atypique comédie policière dans l’univers de l’art bien servie par Charles Berling, Swann Arlaud et la charmante Jennifer Decker! (Pyramide)
L’HOMME FIDELE
Séparés depuis dix ans, Abel et Marianne se revoient et Abel décide de reconquérir Marianne. Mais les choses ont changé : Marianne, devenue veuve, a un fils prénommé Joseph qui n’accepte pas Abel comme père de substitution. La tante de Joseph, la jeune Eve a bien grandi et a une idée bien précise derrière la tête. Avec L’homme fidèle, son second long-métrage comme réalisateur (après Les deux amis en 2015), Louis Garrel (qui incarne aussi Abel) s’inscrit dans un triangle amoureux élégant appuyé sur des dialogues ciselés. Dans ce marivaudage contemporain, autour d’un Abel à l’humour pince sans rire, s’affrontent la ravissante Laetitia Casta et la juvénile Lily-Rose Depp… Une jolie comédie d’auteur. (Ad Vitam)
DOSSIER 64
En trois volets entre 2013 et 2016, la série Les enquêtes du département V est devenue le plus gros succès du cinéma danois de tous les temps. Avec Dossier 64, cette saga s’achève sur un excellent thriller où l’on retrouve les emblématiques enquêteurs de la série, le mal embouché Morck et le taiseux Assad qui s’apprête à quitter le département. Trois corps momifiés découverts derrière une tapisserie dans un vieil appartement lancent l’enquête sur une macabre affaire de stérilisation de filles-mères dans les années cinquante. Tension, action et émotion sont réunis dans ce vrai film noir en forme de traque de terrifiants comploteurs, bons bourgeois à l’idéologie nauséabonde. (Wild Side)
PREMIERES VACANCES
Les vacances, un parfait parcours du combattant ? Pas vraiment faux si l’on observe les aventures de Marion et Ben, des trentenaires qui se sont rencontrés sur les réseaux sociaux. Et qui décident de partir en voyage. Biarritz ou Beyrouth ? Ce sera la Bulgarie. Pour son premier long-métrage, Patrick Cassier signe, avec Premières vacances, une comédie légère sur deux conceptions différentes des vacances. Couple mal assorti, Camille Chamoux et Jonathan Cohen sont embarqués dans une Bulgarie burlesque où l’une a envie de fantaisie et l’autre d’hôtels de luxe… Gentiment cocasse ! (Le Pacte)
L’INCROYABLE HISTOIRE DU FACTEUR CHEVAL
Simple facteur parcourant tous les jours des dizaines de kilomètres sur les chemins de Hauterives, dans la Drôme, Joseph Ferdinand Cheval est bouleversé quand il rencontre Philomène, la femme de sa vie (Laetitia Casta). De leur union naît Alice. Pour cette enfant chérie, Cheval affronte alors un pari fou : construire de ses propres mains un formidable palais. Nils Tavernier raconte, avec L’incroyable histoire du facteur Cheval, l’aventure, à la fin du 19esiècle, d’un homme ordinaire qui devint, avec son Palais idéal, un maître de l’art naïf. Jacques Gamblin se glisse à merveille dans la peau d’un architecte hors normes. En bonus : le making of et une visite exclusive du Palais idéal. (M6)
SECONDE CHANCE
Parce que la promotion à laquelle elle aspirait vient de lui échapper, Maya, la quarantaine, décide de quitter son job pour trouver mieux ailleurs. Le fils de sa meilleure amie trafique son CV à son insu et le diffuse largement. Du coup, Maya décroche un boulot de rêve dans le monde des cosmétiques à Manhattan. Mais aura-t-elle droit à une seconde chance dans un univers dont elle ne maîtrise pas tous les codes. Avec Jennifer Lopez en tête d’affiche, Seconde chance, mis en scène par Peter Segal, aligne les portraits (certes stéréotypés) de femmes dans une comédie légère et sympathique. Avec sa verve et son vécu, J.LO passe de vendeuse à consultante. Un feelgood movie, un ! (Metropolitan)
MIA ET LE LION BLANC
Dans la ferme d’élevage de félins de ses parents, en Afrique du Sud, Mia Owen, 11 ans, lie une relation hors du commun avec Charlie, un lionceau blanc… Pendant trois ans, ils vont grandir ensemble dans une amitié fusionnelle. Lorsque Mia découvre que Charlie, devenu adulte, va être vendu, elle décide de fuir avec lui vers la réserve sauvage de Timbavati afin de sauver son protégé. Connu comme documentariste (J’ai 12 ans et je fais la guerre lui valut, en 1990, le prix Albert-Londres), Gilles de Maistre signe, avec Mia et le lion blanc, une fiction (réalisée sans trucages) sur les rapports homme-animal, s’appuyant sur la relation « dans la vraie vie » entre l’actrice Daniah De Villiers et le lion. Le cinéaste a choisi le format de la fiction pour toucher un large public sur les problèmes de chasse aux animaux sauvages pour de l’argent ainsi que de destruction de la nature. (Studiocanal)