Nina, le coup de foudre et l’astéroïde
C’est une jeune fille qui, pieds nus, court comme une dératée sur une route de campagne. Tout là-bas, au-delà du pont, son bus vient de partir… Et c’est un sonore « Putain ! » qui accompagne ce départ. Plus tard, arrivée enfin dans le parc d’attractions où elle est employée, il faudra à Nina expliquer son retard. Et on sent bien que les contraintes de ce petit boulot à frotter à la brosse le dos de dinosaures de carton-pâte, n’enchante pas spécialement l’adolescente…
Quelques jours dans la vie de Nina, gamine rebelle, ce pourrait être le titre du premier long-métrage de Romain Laguna. S’il ne s’intitulait pas Les météorites. Car c’est bien le passage dans le ciel héraultais d’un brûlant astéroïde qui va « conditionner » l’existence de la jeune fille. Elle y voit en effet une manière de signe… Comme l’augure de sa première grande histoire d’amour. Qui prend les traits de Morad, le frère aîné de sa collègue Djamila au parc Dinospace. Dans le quotidien ennuyeux de Nina, Morad, avec sa petite moto, son sourire charmeur, sa grande gueule de petit macho et le mystère qui va avec ses activités, probablement illicites, c’est tout bonnement l’aventure, la grande quête d’amour. Dans laquelle Nina, 16 ans, se lance tête baissée. Car c’est tout ce dont elle rêve. Et que la météorite lui avait promis… Et tant pis si l’incertitude règne quant à l’existence réelle de la météorite. Car Nina se demande si tout cela est vrai, si son histoire d’amour avec Morad a réellement eu lieu et même si elle n’est pas en train de devenir folle…
« J’avais envie, précise le metteur en scène, de suivre une jeune adolescente d’aujourd’hui, qui découvre l’amour et la sexualité – l’histoire ne dit pas si c’est effectivement sa première fois avec Morad, mais le film jouant avec les archétypes, on peut se l’imaginer. Je ne voulais pas pour autant que l’éveil sexuel soit le sujet du film, avec le registre naturaliste qu’il implique. Je voulais parler d’une fille qui s’éveille aussi dans son rapport au monde, à l’univers, à l’infiniment petit et à l’infiniment grand, à la croyance. »
En tournant dans sa région natale, dans le décor et l’imaginaire de son enfance, le cinéaste de 33 ans signe une ode à la nature. L’omniprésence d’une nature flamboyante contribue également à un glissement hors de la chronique réaliste. Laguna nous ramène, sur les pas de Nina, dans des escarpements sauvages que la jeune fille sillonne, silencieuse, tel un personnage de Pagnol, en quête, on le comprendra in fine, d’une certitude qu’elle rencontrera au bout de son périple. Et qui nous vaudra son plus grand et plus éclatant sourire.
Avec Les météorites, Laguna joue, en somme, la carte du film d’aventure. Film d’aventure du pauvre, glisse-t-il mais film d’aventure quand même avec ce pont jaune, qui revient deux fois dans le récit, et qui lui donne un petit côté, tout petit côté Indiana Jones…
C’est aussi dans le centre-ville de Béziers que va se développer une brève rencontre qui tient de Roméo et Juliette. Car Nina et Morad appartiennent à deux communautés différentes. D’un côté, Djamila avec son petit voile, Morad et son petit trafic, de l’autre Nina, son copain Alex qui travaille à la vigne avec son père et qui se prépare à rejoindre l’armée. « On ne va pas rester cachés dans notre montagne… », lance-t-il à Nina. Cependant, l’amour entre Nina et Morad n’est pas impossible. Les météorites nous montre, sans pathos, une fille et un garçon qui se ratent, une romance amoureuse, parmi tant d’autres, qui se passe mal. Mais qui n’empêche pas Nina d’y plonger tête baissée malgré les mises en garde de Djamila : « Il est marié, tu sais. Il va te jeter et tu vas venir pleurer… » Mais Nina n’en a cure : « Il me plaît. On verra bien ! ». De toute façon, le passage de la météorite lui donne raison sur toute la ligne. Alors, elle dévore, gourmande, ces instants en forme de coup de foudre qui font briller son regard…
Parce qu’il avait plus envie de filmer des gens que de raconter une histoire, Romain Laguna a travaillé avec des acteurs non-professionnels recrutés au cours d’un casting sauvage, par petites annonces, à la sortie des lycées ou dans les rues. A deux mois du tournage, il a rencontré Zéa Duprez, lycéenne de terminale L, dans un concert de rap à Sète. « Avec, dit-il, cette tache sur le visage qui ressemble à une traînée de feu, comme si elle avait été brûlée par la météorite, elle était la passerelle idéale vers le fantastique. Zéa a quelque chose de très hypnotisant. Tout en étant très terrienne, elle a un regard presque halluciné. » Présente quasiment dans tous les plans du film, portant souvent le maillot de l’équipe nationale de football d’Algérie qu’elle a pris dans les affaires de Morad, Zéa Duprez apporte à Nina une vraie grâce mais aussi une fraîcheur digne, sans doute, des adolescents d’aujourd’hui quand elle envoie Morad (Bilal Agab) aux gémonies : « Tu crois que t’es un dieu ou quoi ? »
Avec son petit côté teen-movie campagnard d’où les adultes sont presque totalement absents, Les météorites est un beau premier film, baigné par la chaleur du sud et qui distille quelque chose de solaire mais aussi de nostalgique et de poignant. Comme la fin, déjà, d’un premier amour.
LES METEORITES Comédie dramatique (France – 1h25) de Romain Laguna avec Zéa Duprez, Bilal Agab, Oumaima Lyamouri, Nathan Le Graciet, Rosy Bronner, Camille Lignon, Charles Bousquet, Philippe Gonzales. Dans les salles le 8 mai.