Deux enquêteurs, quatre activistes, deux reines et une super-héroïne
IDEOLOGIES.- Devant une mer grise et hivernale, sur la plage de Flagor, en 1961, la jeune Nete retrouve son amoureux Tage… Mais le père de Nete survient et les sépare violemment… Bientôt, la presqu’adolescente, qui se sait enceinte, va être enfermée dans une sinistre maison pour femmes sur l’île de Sprogø… De nos jours, du côté du Département V, c’est la tension qui règne avant le départ annoncé d’Assad, partenaire de l’inspecteur Carl Morck. Mais à la suite de la découverte de trois cadavres momifiés cachés derrière une cloison dans un vieil appartement de Copenhague, les deux policiers vont se lancer dans une nouvelle enquête qui pourrait bien être leur dernière. En compagnie de leur assistante Rose, les deux flics vont exhumer une macabre affaire datant des années cinquante. Sur la petite île de Sprogø, des jeunes femmes étaient internées de force et stérilisées sous la direction du docteur Curt Wad. Cependant Morck et Assad n’auront guère de mal à retrouver le sinistre praticien qui, dans les années soixante, avait décidé de « rendre sa dignité » à la malheureuse Nete. Il dirige aujourd’hui une superbe clinique spécialisée dans l’aide à la procréation…
En trois volets (Miséricorde en 2013, Profanation en 2014 et Délivrance en 2016), la série Les Enquêtes du Département V est devenue le plus grand succès du cinéma danois de tous les temps. Vendue dans le monde entier, la saga s’achève désormais avec un chapitre final où l’on retrouve donc une dernière fois, le mal embouché Morck et son collègue Assad qui masque son affection pour ce parfait inadapté des relations humaines. Réalisé par Christoffer Boe, Les enquêtes du Département V : Dosssier 64 (Danemark – 1h58. Disponible en e-Cinéma) est un remarquable thriller qui emprunte les codes du film noir pour embarquer le spectateur dans des aventures aussi glauques que palpitantes sur fond de tristes nuits urbaines. En s’appuyant sur des éléments véridiques (des milliers de femmes ont été, par le passé, avortées de force et stérilisées à leur insu au Danemark), le réalisateur peaufine une aventure qui trouve, à travers les idéologies nauséabondes distillées par le docteur Wad et ses acolytes socio-démocrates, des échos dans une actualité qui voit, en Europe, la montée de l’extrême-droite et des mouvements identitaires. Enfin Dossier 64 repose évidemment sur l’excellent duo composé de la star danoise Nikolaj Lie Kaas (Morck) et du comédien suédois né à Beyrouth Fares Fares (Assad) vu notamment dans Le Caire Confidentiel (2017). Aux côtés de ces deux héros, on remarque cependant des personnages de femmes fortes et qui se sauvent elles-mêmes…
SYRIE.- Le 4 avril 2015, à l’aéroport de Paris, Faustine, son fils Noah à la main, prend congé de son mari Sylvain… Originaire du Zaïre et récemment convertie à l’islam, cette assistante sociale de Romainville, en banlieue parisienne, ne se sent pas intégrée en France et croit à la promesse faite par Daech en Syrie d’un monde nouveau, d’une revanche des opprimés. Elle s’envole donc pour la Turquie avec le projet de passer en Syrie pour, dit-elle, « être utile, là où on peut faire quelque chose… » Mais, très vite, les choses tournent mal. Transférée à Rakka, la capitale de l’Etat islamique, Faustine, désormais voilée de noir de la tête aux pieds, est confinée dans un appartement avec son fils. Au dispensaire voisin, elle tente de venir en aide aux femmes malades ou blessées mais les moyens manquent cruellement. Comprenant qu’elle s’est complètement fourvoyée, Faustine appelle Sylvain au secours. A Paris, ce dernier, infirmier de bloc opératoire, se confie à Patrice, son chef de service. Celui-ci contacte son fils Gabriel qui travaille, entre Turquie et Syrie, pour le compte d’une ONG… Avec l’aide d’Adnan, un jeune rebelle syrien réfugié à Paris, Patrice, Sylvain et Gabriel vont tenter d’exfiltrer Faustine. Mais le temps presse…
Ancien assistant de Chéreau (La reine Margot), de Pialat (Le garçu) ou d’Altman (Prêt-à-porter), Emmanuel Hamon s’est consacré, pendant une dizaine d’années, au documentaire politique, social et historique. Avec Exfiltrés (France – 1h43. Dans les salles le 6 mars) il revient à la fiction et signe son premier long-métrage en portant à l’écran une histoire vraie qu’il raconte de manière chorale, en mosaïque, avec une vision politique différente pour chacun des cinq personnages et plusieurs façons complémentaires de voir le monde. « À partir du moment où j’ai quitté le documentaire, dit le cinéaste, il n’était pas question de faire un traité de géopolitique ou d’expliquer la vérité sur la situation au Moyen- Orient, mais je voulais donner des cartouches aux spectateurs pour qu’ils comprennent l’histoire sur le terrain. » Tourné en France et en Jordanie, Exfiltrés met l’accent sur l’universalité de la jeunesse, l’audace et l’engagement qui vont avec tout en racontant, avec un sens certain du suspense, l’histoire d’une coopération qui dépasse les frontières, à la fois physiques et sociales et qui va permettre à quelques individus de faire ensemble ce que ne font pas les services secrets… Alors que l’actualité évoque le sort des femmes de djihadistes en Syrie, ce film réussi apporte un éclairage très intéressant sur la question. Enfin, il est parfaitement servi par d’excellents comédiens : Swann Arlaud (Sylvain), Finnegan Oldfiled (Gabriel), Charles Berling (Patrice), Kasem Al Khoja (Adnan) et, dans le rôle de Faustine, Jisca Kalvanda qui fut, en 2016, la révélation de Divines.
SAGA.- Le 8 février 1587, Marie Stuart marche vers la mort… Elle a 45 ans et bientôt, sa tête, posée sur un billot, va rouler à terre, coupée par la hache du bourreau… Reine de France à 16 ans, veuve à 18, Marie a defié ceux qui la pressent de se remarier. Elle préfère en effet retourner dans son Écosse natale pour revendiquer le trône qui lui revient de droit. Par sa naissance, Marie peut aussi prétendre à la couronne de sa cousine, Élisabeth 1ere, fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn et reine d’Angleterre depuis 1558. Femme de pouvoir et habile politique, Marie Stuart se bat pour imposer son autorité dans un royaume indocile, à une époque où les femmes monarques sont considérées comme des monstres. Pour assurer chacune leur légitimité, les deux reines font des choix opposés en matière de mariage et de descendance. Marie est soumise à de continuelles attaques de la part de ses ennemis qui n’hésitent pas à mentir sur sa sexualité. Les deux reines, dans leurs cours respectives, sont mises à l’épreuve de trahisons, de rébellions et de complots qui les sépareront et leur feront éprouver l’amère rançon du pouvoir.
Filmée de dos, bientôt en robe écarlate face au bourreau, la souveraine d’Ecosse s’avance au milieu d’hommes vêtus de noir, tous ceux auxquels elle faisait peur et qui ont fomenté sa fin tragique… Une séquence qui ouvre cette évocation de la vie de Marie Stuart et de sa rivalité avec Elisabeth, reine d’Angleterre… C’est, sous la forme d’un grand flash-back, que va se dérouler ce drame historique mis en scène par Josie Rourke, nouvelle venue au grand écran mais personnalité du théâtre britannique puisqu’elle est la première femme à la tête d’un grand théâtre londonien, en l’occurrence la Donmar Warehouse. Même si l’histoire de Marie Stuart n’est pas forcément familière au spectateur de ce côté-ci de la Manche, Marie Stuart, reine d’Ecosse (USA – 2h04. Dans les salles le 27 février) apparaît d’emblée comme une ambitieuse fresque dramatique digne d’intérêt parce qu’elle a une réelle dimension féministe. Cette saga s’applique ainsi à rompre avec la fausse idée que Marie fut une monarque faible doublée d’une femme aux mœurs légères. Grâce notamment à son interprète, l’Américano-irlandaise Saoirse Ronan, 24 ans, révélée dans Lovely Bones (2010) de Peter Jackson et applaudie dans Lady Bird (2017) de Greta Gerwig, Marie Stuart acquiert une véritable force et devient un personnage de femme qui va s’imposer dans un monde masculin en apprenant à exercer le pouvoir. Face à Saoirse Ronan, Elisabeth est incarnée avec talent par l’Australienne Margot Robbie, découverte dans Le loup de Wall Street (2013) de Scorsese et étonnante en patineuse vulgaire et criminelle dans Moi, Tonya (2017). Un beau récit historique qui trouve des résonances dans le monde d’aujourd’hui.
UNIVERS.- Vivant sur la planète Hala des Kree, un peuple humanoïde à la technologie très avancée, Vers n’a que des souvenirs datant de moins de six ans… Elle peut faire jaillir des jets d’énergie de ses mains, mais son mentor, Yon-Rogg, tente de lui apprendre à mieux maîtriser ses émotions afin de devenir une meilleure combattante. Lorsque Vers prend contact avec l’intelligence artificielle qui dirige la planète -une femme aux cheveux blancs- celle-ci lui dit que cette apparence doit être celle d’une personne qui lui est proche, mais Vers ne la reconnaît pas. Bientôt Vers va tomber, lors d’une mission, dans un guet-apens tendu par des Skrulls, ennemis des Kree qui ont la capacité de prendre l’apparence de leur choix. Capturée par Talos, Vers a alors des visions dans lesquelles elle est un pilote d’essai sur Terre, dans une équipe dirigée par le docteur Wendy Lawson, l’apparence prise par l’intelligence artificielle Kree. De retour sur Terre, poursuivie par les Skrulls, Vers va croiser la route de Nick Fury, responsable du SHIELD, et se lancer avec lui dans une course-poursuite au terme de laquelle elle comprendra qu’elle est d’origine terrienne et que tout le monde la croit morte dans un accident d’avion il y a six ans. Avec Fury, elle retrouve aussi Maria Rambeau, son ancienne partenaire et amie. Celle-ci lui donne son vrai nom : Carol Danvers.
Au générique d’ouverture du film, un simple « Merci Stan » vient rendre hommage à l’immense Stan Lee, disparu en novembre 2018, scénariste et éditeur de comics dont le nom reste associé à l’univers Marvel pour lequel il a imaginé des héros comme Spider-man, Hulk, Iron Man, les Avengers ou les X-Men… Avec Captain Marvel (USA – 2h04. Dans les salles le 6 mars), c’est une vraie héroïne qui investit le monde de l’aventure et de la science-fiction siglé Marvel. On se dit évidemment qu’Hollywood a compris la leçon de l’affaire Weinstein et que la prime est donnée ici à une femme capable de damer le pion à des types en tous genres, y compris les plus prédateurs. Deux ans après la Wonder Woman de DC Comics et Warner, cette mutante est promise à un bel avenir. Et d’ailleurs, Captain Marvel, réalisé par Anna Boden et Ryan Fleck, a fait un très bon démarrage dans les salles françaises… Même si ce genre de production n’est pas spécialement ma cup of tea, il faut reconnaître que tout cela tourne vite et bien même si Carol Danvers alias Vers est un personnage quand même assez monolithique. Mais, à ses côtés, Nick Fury (Samuel L. Jackson) apporte la touche d’humour et on aime forcément Goose, le chat flerken dont les tentacules éjectables vont avaler le Tesseract, un cube lumineux bourré d’énergie. Venue du cinéma indépendant (l’excellent State of Grace en 2013) et passée, récemment, par le blockbuster (Kong : Skull Island), la blonde Brie Larson incarne Carol Danvers, la nouvelle venue dans l’univers cinématographique Marvel. Quant à Stan Lee, dont les caméos sont devenus cultes, il est un passager du métro qui lit un journal et sourit à l’héroïne…