La dame un peu folle et la nymphette lisse
SOUVENIRS.- C’est une fillette qui se réveille dans la nuit, traverse la maison familiale en quête d’une pendule-éléphant qui l’aiderait à dormir… Réveillée à son tour, sa mère la renvoie dans son lit. Avant de lui déposer la pendule sans sa chambre. C’est une dame d’un certaine âge qui se réveille dans la nuit et se demande ce qu’elle fait… Plus tard, à la dame du café qui lui apporte son petit-déjeuner, Claire Darling dira : « Non, je ne vais pas bien. Mais c’est gentil de demander ! » En ce jour ensoleillé sur la campagne de l’Oise, Claire Darling a pris une décision. C’est le dernier jour de sa vie. Ce soir, elle en est persuadée, elle sera morte. Alors, elle demande à des jeunes gens de passage de sortir meubles, bibelots, pendules, automates, lampes, tableaux etc. sur le grand pré devant sa belle demeure. Un immense vide-grenier pour en finir avec l’existence… Si les acheteurs sautent sur l’occasion, Martine, une amie de Marie, la fille de Claire, n’en croit pas ses yeux. Pourquoi Claire fait-elle cela ? Elle décide d’appeler Marie. Mais la mère et la fille s’étaient quittées, il y a bien longtemps déjà, plutôt fâchées…
Le temps qui passe et s’enfuit, une belle maison débordante de meubles et d’objets qui, tous, racontent quelque chose d’une vie tragique et flamboyante et puis une femme âgée qui semble un peu perdre la tête par moments, voilà autour de quoi Julie Bertuccelli a construit La dernière folie de Claire Darling (France – 1h35. Dans les salles le 6 février) en adaptant Le dernier vide-grenier de Faith Bass Darling, le roman paru en 2012, de l’Américaine Lynda Rutledge. Alors qu’on imagine les personnes âgées confinées dans leurs certitudes et volontiers dans l’immobilisme, Claire Darling cultive le lâcher-prise avec une étonnante désinvolture. En vendant pour quasiment rien les objets qui ont accompagné sa vie, elle pose un ultime acte de liberté face aux frustrations de sa vie…
Evidemment, pour ceux qui la connaissent un peu, c’est plutôt un coup de folie. La réalisatrice de Depuis qu’Otar est parti… (2002) et L’arbre (2010) mais aussi d’un nombre considérable de documentaires (dont Dernières nouvelles du cosmos en 2016) réussit un portrait attachant, voire émouvant, d’une femme au seuil de sa vie. Mais ce qui fait le charme de Claire Darling, c’est la manière dont la cinéaste insuffle de l’onirisme dans son récit et comment elle réussit à « ventiler » cette aventure sur différentes époques. On glisse ainsi, avec beaucoup de souplesse, de Claire âgée à Claire jeune mais c’est vrai aussi pour le personnage de Marie comme pour celui de son amie Martine. Sans oublier une mystérieuse sauvageonne qui traverse l’histoire et puise des « prises de guerre » dans le vide-grenier. Pour mener à bien son film (même si les dix dernières minutes traînent un peu), Julie Bertuccelli peut compter sur Catherine Deneuve qui, pour la première fois, arbore des cheveux blancs en composant un personnage un peu hors du temps, pas toujours tendre, ni affectueuse, notamment avec sa fille, mais qui finit par faire sauter la carapace… A ses côtés, Chiara Mastroianni (Marie), Laure Calamy (Martine), Samir Guesmi (Amir), Olivier Rabourdin (le mari de Claire), Johan Leysen (le père Georges) sont tous justes. Quant à Alice Taglioni, elle a la tâche « impossible » d’être une « jeune Deneuve ». Avec beaucoup d’élégance, elle s’impose en Claire Darling d’antan confrontée à de déchirants drames familiaux. Sur l’affiche du film, Claire Darling est au volant d’une auto-tamponneuse. Jolie métaphore de la vie. Elle roule et on peut se faire tamponner. C’est pas certain mais ce n’est pas improbable…
PANTHERE.- C’est l’été, dans un camping en Dordogne. L’atmosphère est sympathique, le temps ensoleillé mais les choses tournent au vinaigre lorsqu’on se met à parler, entre tentes et bungalows, de jeunes gens qui disparaissent. Evidemment les rumeurs les plus folles se mettent à circuler. On parle même d’une panthère en liberté qui rôde à proximité du camping. Si les jeunes estivants s’inquiètent, Laura, elle, est plutôt excitée par le sentiment d’un danger permanent. Et lorsque la grande adolescente rencontre Paul, un écrivain aussi attirant qu’inquiétant, une relation ambigüe prend forme. Jusqu’à ce qu’un prétendant de Laura disparaisse à son tour et qu’une étrange policière entre dans la danse…
C’est une curieuse impression que cela qui préside à la vision du second long-métrage de Vincent Mariette. Pas tant parce qu’on retrouve une nième fois le cadre estival et vacancier dans lequel des jeunes gens et des jeunes filles s’amusent à traîner leur désoeuvrement mais plutôt parce que, d’entrée de jeu, on a du mal à adhérer à cette histoire de mystère, de « monstre » affamé et tueur et, comme le dit le cinéaste, d’« inquiétante étrangeté ». Bien sûr, les cinéphiles tenteront d’entrée, autour d’une fille et d’une panthère, un rapprochement avec La féline, réalisée en 1942 par Jacques Tourneur et même avec son remake signé en 1982 par Paul Schrader. Mais ils en seront pour leurs frais. Point de thriller érotique ici et surtout, avec son minois lisse de mannequin enfant, Lily Rose Depp ne distille jamais le charme équivoque de Simone Simon chez Tourneur et encore moins la grâce « tordue » de Nastassja Kinski chez Schrader… Si, donc, on ne retient pas l’option « féline », il ne reste plus grand’chose à se mettre sous la dent. Pour le cinéaste qui reste toujours à la lisière du fantastique, c’est la question de la croyance qui traverse son film, ce besoin de nos contemporains de s’accrocher à quelque chose d’opaque, de mystérieux pour placer un sas entre eux et le monde. Las, Les Fauves (France – 1h23. Dans les salles le 23 janvier) ne parvient pas à nous retenir captif de ce drame qui couve. Et ce ne sont pas Laurent Lafitte, le cheveu gras et long, en romancier armé, ni Camille Cottin, en enquêtrice balafrée et habitée qui nous feront changer d’avis…