LES AVENTURES DU CAPITAINE WYATT
Les années cinquante sont celles du western classique… Delmer Daves tourne La flèche brisée (1950), Fred Zinnemann Le train sifflera trois fois (1952), John Ford Rio Grande (1950), Rio Bravo (1959) et La prisonnière du désert (1956), Nicholas Ray Johnny Guitare (1954), Robert Aldrich Vera Cruz (1954), Anthony Mann Winchester 73 (1950), George Stevens L’homme des vallées perdues (1953) et on en oublie…
C’est dans cette belle époque que Raoul Walsh va signer, en 1951, Les aventures du capitaine Wyatt. Le vétéran hollywoodien a 64 ans et il a déjà une série de westerns à son actif, notamment La piste des géants (1930), La fille du désert (1949), La charge fantastique (1941) ou l’excellent La vallée de la peur (1947). Mais Distant Drums (titre original) se distingue par le fait que Walsh situe son action loin de Monument Valley et de ses mesas. C’est en effet en Floride et spécialement dans les marais des Everglades peuplés de serpents et d’alligators que Wyatt et son commando vont affronter les Indiens Séminoles.
En 1840, l’armée des États-Unis tente de réduire les derniers groupes d’Indiens Séminoles vivant en Floride. Pour l’aider, elle fait appel au taciturne capitaine Wyatt en lui confiant la mission de détruire un fort dans lequel des contrebandiers entreposent les armes qu’ils livrent aux Indiens. Venu en bateau sur le lac Okeechobee, le petit commando mené par Wyatt réussit pleinement sa mission en faisant exploser les réserves d’armes et en libérant au passage quelques prisonniers, dont une jeune femme, Judy Beckett (Mari Aldon), et sa servante. Mais lorsque les Américains rebroussent chemin, ils doivent constater qu’ils n’arriveront pas à rejoindre leur embarcation. Pour échapper aux Indiens lancés à leurs trousses, il ne leur reste qu’à s’enfoncer dans de dangereux marais…
Ce qui distingue également Les aventures du capitaine Wyatt, c’est qu’il s’agit d’un remake d’Aventures en Birmanie réalisé en 1945 par le même Raoul Walsh. Dans ce très remarquable film de guerre, la compagnie du major Nelson (Errol Flynn) est parachutée à 200 kilomètres derrière les lignes japonaises pour détruire une station radar. La mission accomplie, la troupe rejoint son lieu de réembarquement mais les Japonais les attendent. Nelson et ses hommes n’ont pas d’autre ressource que de s’enfoncer dans la jungle pour un voyage de retour cauchemardesque…
Dans la collection Western de légende, voici, pour la première fois en dvd et en blu-ray dans une édition prestige sous fourreau, des aventures en technicolor (avec une image et un son restaurés) qui ont la particularité de mettre en valeur de superbes décors naturels et de faire de cette histoire un film de nature, Walsh filmant de manière oppressante les dangers et les pièges des marais, les Séminoles n’étant cependant pas aussi « sauvages » que les Japonais du film de 1945. Mais le cinéaste développe aussi une approche rousseauiste puisque le salut de Wyatt et de ses siens passe par la nature et, in fine, un fragile paradis terrestre. Enfin ce western se distingue par une mise en scène rapide marquée par de constants mouvements qui lui donnent un rythme parfois haletant.
Dans le rôle du solitaire et rebelle Wyatt, Gary Cooper est, comme à son habitude, d’une sobriété bouleversante et d’une grande générosité dans son jeu. Dans les suppléments, Bertrand Tavernier rapporte que le comédien a adoré faire ce film, son cascadeur attitré affirmant même, sans que cela soit vérifiable, qu’il n’a eu à le doubler pour aucune séquence !
Même l’intrigue sentimentale entre Wyatt et Judy (ajoutée par rapport à Objective Burma), est plutôt intelligente puisqu’elle permet à Walsh de développer une ultime méditation morale. Tant Wyatt que Judy sont en effet animés par une sourde colère. De retour sur la petite île où Wyatt a construit son refuge, l’un et l’autre parviendront à surmonter leur désir inabouti de vengeance, lui pour la perte de son épouse, elle pour avoir connu le machisme des riches de Savannah… Un must !
(Sidonis/Calysta)