David et Amanda vont cheminer ensemble
En découvrant Amanda, on ne peut s’empêcher immédiatement de penser à Ce sentiment de l’été, le précédent film de Mikhaël Hers, sorti dans les salles en février 2016. Il y était déjà question de l’été, d’une disparition soudaine, de personnages qui prenaient comme ils le pouvaient la peine du deuil et le poids de l’absence. Il y était aussi question de grandes villes (Berlin, Paris et New York) et plus encore d’une manière très douce, très délicate de dire les choses, de faire surgir des émotions et, plus encore, de la tristesse…
Avec Amanda, on est dans la même tonalité même si d’emblée, en prenant la trace de David Sorel, on se dit –même rapidement- que voilà un de ces « films d’appartement » si parisiens qu’ils vont très vite nous indifférer… Mais non –et heureusement- parce que David est un jeune type vite attachant et parce que passe par là, Amanda, une gamine de 7 ans, blonde comme les blés et au visage tout rond mangé par de grands yeux bleus…
L’exposition d’Amanda permet à Mikhaël Hers de planter ces décors de grande ville que manifestement il affectionne. Et comme David a la bonne idée de se déplacer beaucoup à pied et à vélo, on découvre, ici, des coins de Paris, notamment dans le 11e arrondissement, que le cinéma nous montre peu. Entre ruelles, cours d’immeubles, petites places, cafés, la capitale a des airs de province ensoleillée… Si David se déplace beaucoup, c’est qu’il fait des petits boulots. Il travaille certes comme élagueur pour la ville de Paris mais il accueille aussi les touristes de passage et leur fournit les clés des appartements de vacances. Bref, à 24 ans, David Sorel se donne encore le temps de devenir, sinon sérieux, du moins franchement adulte. Parmi ses activités, David se charge aussi d’aller récupérer l’après-midi Amanda à l’école. Et comme ses touristes ne sont pas toujours à l’heure, il fait parfois attendre la fillette au grand dam de sa mère, en l’occurrence Sandrine, sa sœur aînée.
La vie se déroule ainsi plutôt paisiblement. Parmi ses touristes, David rencontre l’agréable Lena qui a quitté Bordeaux pour monter à Paris. Et puis Sandrine a même eu la bonne idée d’acheter trois places pour le tournoi de Wimbledon qui lui permettront, ainsi qu’à David et Amanda, de se rendre à Londres où vit Alison, leur mère qui les a abandonnés il y a longtemps…
Alors que rien de décisif ne semble devoir perturber ces existences, la tragédie survient, brutale, inattendue. Dans un parc boisé, à l’heure du pique-nique, Sandrine, Lena et de nombreuses personnes sont abattues par un commando terroriste. Instantanément, le cours tranquille des choses vole en éclats. Et David se retrouve seul face à Amanda…
En désirant capter quelque chose de la fragilité, de la fébrilité et de la violence (le cinéaste montre le carnage mais ses images ne ressemblent pas à celles des médias) de notre époque, Mikhaël Hers a écrit et mis en images une histoire simple et linéaire ancrée dans le quotidien. Un grand enfant passablement démuni va devoir prendre en charge une fillette qui serait parfois plus en mesure de l’aider que l’inverse.
Autour de la question de l’absence, le cinéaste a construit un récit qui flirte parfois avec le mélodrame mais qui cultive toujours une authentique pudeur et une véritable justesse de ton dans la manière de filmer des êtres traversés par des émotions mais pas coincés, pour autant, dans la coquille de gens qui traversent un deuil, avec la convention des sentiments qui irait avec… Hers réussit ainsi de fort belles scènes comme celle où David croise une ancienne amie de Sandrine qui, sans rien savoir du drame, lui demande des nouvelles de sa sœur ou celle à la gare où, soudain, David éclate en sanglots tandis que une caméra très mobile l’accompagne, errant sans but…
Amanda devient alors une affaire de long chemin, celui que David et Amanda vont faire ensemble. « Je serai avec toi au moins jusqu’à tes 18 ans », dit David et Amanda de lui répondre : « On va se supporter ? ». Même s’il se sent bien jeune pour affronter cette responsabilité, David ne peut en effet imaginer de ne pas y faire face. Le mot de tutelle le glace un peu mais sans doute tout autant que sa visite dans une Maison de l’enfance où jouent de nombreux orphelins. Bien sûr, il aimerait bien pouvoir compter sur Lena (Stacy Martin), la rescapée qui sursaute à chaque bruit, mais celle-ci a besoin de solitude et préfère retourner vivre à Périgueux auprès de sa mère…
Ce film limpide qu’est Amanda doit beaucoup évidemment à ses comédiens. La jeune Isaure Multrier, que la directrice de casting a remarqué dans la rue, a un petit côté poupon contrebalancé par la maturité qui émane sans doute d’une enfant qui grandit avec un seul parent. Comédien fêté, Vincent Lacoste, 25 ans, hérite, ici, d’un beau premier rôle de jeune adulte à la grâce un peu gauche. Son David vient pleinement s’inscrire dans une galerie de beaux personnages qui ont traversé Hippocrate (2014), Lolo (2015), Victoria (2016) et, en 2018, Plaire, aimer et courir vite ou Première année. Parmi les différents rôles féminins, on est touché de retrouver, dans le personnage d’Alison, Greta Scacchi qui a toujours le sourire craquant qui illuminait Un homme amoureux de Diane Kurys, Good Morning Babylon des frères Taviani ou Sur la route de Nairobi de Michael Radford…
Amanda se conclut de belle manière autour d’un court de tennis de Wimbledon où la fillette est traversée par un mélange de détresse et de lumière. Mais l’ultime séquence du film boucle une boucle. Un plan sur un parc londonien qui, après les images de carnage qui fracturent le film à son début, s’achève sur des fragments de vies ordinaires, scénettes lumineuses dans un parc…
AMANDA Comédie dramatique (France – 1h47) de Mikhaël Hers avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin, Ophélia Kolb, Marianne Basler, Jonathan Cohen, Greta Scacchi, Bakary Sangaré, Nabiha Akkari. Dans les salles le 21 novembre.