LE TOILETTEUR, LES FLICS, LES PILOTES ET LES GOSSES
DOGMAN
Dans une petite cité perdue du bord de mer, Marcello, modeste toiletteur pour chiens, voit avec inquiétude Simoncino revenir de prison. Ancien boxeur accro à la cocaïne, Simoncino rackette le quartier et brutalise Marcè qui l’alimente pourtant en drogue. Réalisateur du puissant Gomorra (2008), l’Italien Matteo Garrone, en s’inspirant d’un vrai fait-divers, brosse, avec Dogman, le terrible tableau de la bonté au péril de la brutalité. Jusqu’au jour où la coupe est pleine… Dans un décor de bord de mer en total abandon, une fable cruelle qui évoque la montée du populisme en Italie. Le remarquable Marcello Fonte a été couronné meilleur acteur à Cannes 2018. (Le Pacte)
AU POSTE !
Révélé par Rubber (2010) thriller dont le héros était un… pneu de voiture, le compositeur (sous le pseudo de M. Oizo) et cinéaste Quentin Dupieux joue cette fois la carte du polar totalement déjanté. Dans un commissariat, la nuit, un flic et un suspect s’affrontent. Très loin du Garde à vue de Claude Miller, Dupieux se risque avec brio dans le bizarre et le jonglage verbal sur de banales expressions françaises. Parcours onirique et volontiers déroutant, Au poste ! offre surtout deux personnages gravement loufoques à Benoît Poelvoorde (le flic) et Grégoire Ludig, parfait en suspect s’ingéniant à expliquer comment il a trouvé un cadavre. Une expérience de cinéma ! (Diaphana)
AU GRAND BALCON
Ancien pilote pendant la Grande guerre, le cinéaste Henri Decoin, avec l’aide de Joseph Kessel qui fut l’ami et le biographe de Jean Mermoz, signe en 1949 un classique sur l’aviation avec Au grand balcon. Dans les années 20, tous les pensionnaires de l’hôtel toulousain du Grand balcon sont possédés par le goût de l’aventure. Chef de l’Aéropostale de Toulouse, Carbot (Pierre Fresnay) n’a qu’une idée en tête : prolonger la fameuse « ligne » vers l’Amérique. Quitte à ignorer les existences sacrifiées à son idéal. Derrière les personnages, se profilent les ombres des légendaires Didier Daurat et Mermoz. Dans une belle restauration, voici un film devenu rare qui est une grande histoire d’hommes autour des pionniers de l’Aéropostale. (Pathé)
NOUS LES GOSSES
Parce qu’un élève du primaire a brisé par accident la grande verrière de son école, deux bandes rivales de l’école vont s’unir et travailler pendant les vacances d’été pour payer la reconstruction. Mais un voyou du coin dérobe leurs économies. Ce premier long-métrage de Louis Daquin fut écrit à l’heure du Front populaire et tourné en 1941 en dépit de la censure imposée par le régime de Vichy. Nous les gosses (dans une bonne version restaurée) est une comédie policière (les enfants mènent l’enquête) fraîche, allègre et optimiste sur laquelle flotte un esprit de résistance… A sa sortie, ce film léger et optimiste fut accueilli comme un cri joyeux dans les salles. Les jeunes comédiens sont bons et les dialogues de Marcel Aymé pétillants. (Pathé)
SICILIAN GHOST STORY
En s’inspirant d’un terrible fait-divers (la séquestration et la mort du jeune fils d’un mafieux repenti dans la Sicile des années 90), Fabio Grassadonia et Antonio Piazza (remarqués naguère pour le sombre Salvo sur l’étrange relation entre un tueur à gages et sa captive aveugle) réussissent, avec Sicilian Ghost Story, une fable tragique autour de la jeune Luna qui nourrit pour l’adolescent prisonnier un amour aussi obsessionnel qu’impossible. Portée par deux jeunes comédiens de talent (Julia Jedlikowska et Gaetano Fernandez), cette double narration schizophrénique vogue constamment entre réalité et fantastique, notamment avec un lac qui offre une ouverture mystérieuse vers la prison de Giuseppe. Quand une jeune fille veut croire que l’amour est indestructible. (jour2fête)
UNE PRIERE AVANT L’AUBE
Depuis Gentleman Jim, Nous avons gagné ce soir ou Racing Bull, on sait que la boxe rend toujours bien sur le grand écran! On le vérifie encore avec Une prière avant l’aube où le réalisateur français Jean-Stéphane Sauvaire adapte l’histoire vraie de Billy Moore, jeune boxeur anglais incarcéré dans une prison de Thaïlande pour usage et détention de drogue. Dans l’effrayant enfer de la prison de Klong Prem, Billy (l’Anglais Joe Cole, excellent entouré de non-professionnels) va réussir à surmonter tous les dangers pour devenir un champion de muay-thai, la boxe thaïlandaise. Entre combats brutaux et angoissant univers carcéral, une aventure violente, étouffante et furieuse où le noble art se résume à un choix est simple : mourir ou survivre… (Wild Side)
COFFRET CHARLES MATTON
Cinéaste rare qui fut aussi peintre, sculpteur, photographe, écrivain et illustrateur, Charles Matton (1931-2008) ne signa que quatre longs-métrages. Poétique et… social, L’Italien des roses (1972) raconte la soirée de Raymond dit l’Italien qui monte sur un toit d’immeuble et se tient au bord du vide. Dans le rôle principal, Richard Bohringer fait ses grands débuts au cinéma. Avec Spermula (1976), Matton, en pleine vogue du cinéma érotique des seventies, distille une variation vampirique qui célèbre la beauté de la femme et notamment celle de Dayle Haddon. La lumière des étoiles mortes (1994) permet au cinéaste de revenir sur sa jeunesse à l’heure allemande. Le jeune Charles (incarné par Léonard Matton, le fils du cinéaste) va établir une relation initiatique avec un jeune appelé allemand féru de littérature. Enfin Rembrandt (1999), avec Klaus Maria Brandauer, évoque la vie de cet ogre magnifique qu’était le peintre hollandais… Un beau coffret regroupe ces films, les courts-métrages de Matton ainsi qu’un livre (300 p.) qui plonge dans l’intimité d’une création totale. (Carlotta)
SOBIBOR
Pendant le tournage de Shoah (1985), Claude Lanzmann interviewa à Jerusalem Yehuda Lerner, témoin direct du drame qui donna ensuite lieu au documentaire Sobibor, 14 octobre 1943, 16h (2001). Le cinéaste russe Konstantin Khabenskiy, lui, s’inscrit dans la fiction pour raconter l’unique évasion de masse réussie d’un camp d’extermination nazi. Sobibor montre, avec un impressionnant réalisme qui happe le spectateur, comment plus de 400 prisonniers du camp de la mort polonais allaient réussir l’impensable même si très peu, malgré un courage inébranlable, réussirent à survivre. Dans ce drame bouleversant d’humanité, le cinéaste incarne lui-même le personnage de Sacha Petcherski, l’un des leaders de la révolte tandis que Christophe Lambert se glisse dans l’uniforme du redoutable Frenzel, chef du camp. (Wild Side)
PARANOIA
« Peut-être que tout est dans ma tête ! » Il faut dire que la malheureuse Sawyer Valentini a de quoi s’inquiéter. Contre sa volonté, elle a été enfermée dans une institution psychiatrique où elle est confrontée à sa plus grande peur, celle d’être poursuivie par son harceleur. Avec Paranoïa, Steven Soderbergh, le réalisateur de Sexe, mensonges et vidéo (1989) ou de la trilogie Ocean (2001-2007) donne un thriller d’horreur autour d’une jeune femme angoissée interprétée par la Britannique Claire Foy (la nouvelle Lisbeth Salander dans Millenium, actuellement sur les écrans) qui perd lentement la boule. Soderbergh a tourné son film avec un iPhone et ce procédé fonctionne bien dans la mise en scène de la folie qui guette Sawyer. Efficace ! (Fox)
HOTEL ARTEMIS
En 2028, Los Angeles est déchirée par de violentes émeutes et au bord de la guerre civile… L’hôtel Artemis est un refuge pour les criminels qui y trouvent soins et repos. Dirigé par Jean Thomas surnommée l’infirmière, ce lieu est cependant régi par des règles strictes. Surtout, on ne tue pas les autres patients ! Alors quand des tueurs à gages aux ordres de Wolf King (Jeff Goldblum), un boss du crime, tentent d’y intercepter deux braqueurs de banque venus se faire soigner, l’infirmière aura fort à faire. Futuriste et violent, Hotel Artemis est un solide thriller qui se déroule dans une forteresse médicale avec un bon casting où l’on remarque la Franco-algérienne Sofia Boutella dans le rôle de Nice, une tueuse française. Devenue rare comme comédienne au cinéma ces dernières années, Jodie Foster fait son retour en infirmière sinistre, inquiétante mais déterminée… (Metropolitan)