Les pornocrates, les étudiants et les papys
LIBERTE.- Paris, 1982. Patrons du peep show, Le Mirodrome à Pigalle, Franck et Serge sont criblés de dettes et ont l’idée de produire de petits films pornographiques avec leurs danseuses pour relancer leur établissement. Le succès est au rendez-vous et ne tarde pas à attirer l’attention de leurs concurrents. Un soir, des hommes cagoulés détruisent le Mirodrome. Ruinés, Franck et Serge sont contraints de faire affaire avec leurs rivaux. Mais ce que ces derniers ignorent, c’est que ces deux « entrepreneurs » sont des policiers de la brigade financière chargés de procéder à un coup de filet dans le business du X qui, selon l’un des personnages, « a inventé la fraude fiscale ». Mais Franck et Serge vont prendre goût à leur naissante aventure dans le cinéma pornographique et même y découvrir un certain art de vivre…
Dans une époque où règne le politiquement correct et où Facebook ne cesse de s’illustrer par l’absurdité de sa politique sur la nudité, on devine assez facilement le projet de Cedric Anger avec L’amour est une fête (France – 1h59. Dans les salles le 19 septembre) : « J’ai toujours voulu faire un film sur le porno français des années 70/80, celui tourné en pellicule. (…) Il y avait une insouciance qui n’a rien à voir avec le porno d’aujourd’hui. Ni même avec le porno américain de la même époque, beaucoup plus industrialisé et professionnel. Le cinéma pornographique français de ces années-là est inséparable de la libération des mœurs post-68. Il est fabriqué avant tout par des gens qui s’amusent, pour qui ces tournages sont des moments de vacances et de plaisir. Il faut bien comprendre qu’ils ne tournaient pas ces films par nécessité financière, mais parce qu’ils en avaient envie. » Las, si l’ambition est intéressante, le film, lui, n’est pas à la hauteur. Passe encore pour les séquences qui se déroulent dans les lumières rouges du Mirodrome qui distillent un petit charme sous-fassbindérien… Mais, tout se gâte lorsqu’on passe, dans la seconde partie, à la production d’un film X. Les dialogues (« Un acteur beau, c’est érotique. Un acteur laid, c’est porno ») font grincer des dents, la mise en scène est spécialement plate et atteint un sommet dans la séquence ultime, mi-new age, mi-David Hamilton. Les quelques gags s’effondrent (ah, la visite des propriétaires du château sur le tournage !) Enfin, si les filles font effectivement songer à celles qui jouaient dans le X de ces années-là, Gilles Lellouche (Serge) en fait trop et Guillaume Canet (Franck) a toujours l’air de se demander ce qu’il fait. Avec aisance, Michel Fau en producteur halluciné et Xavier Beauvois en réalisateur porno leur piquent la vedette.
MEDECINE.- Antoine entame, grâce à une dérogation, sa première année de médecine pour la troisième fois. Benjamin arrive directement du lycée, mais il réalise rapidement que cette année ne sera pas une promenade de santé. Dans un environnement compétitif et quasiment violent, avec des journées de cours ardues et des nuits dédiées aux révisions plutôt qu’à la fête, les deux étudiants devront s’acharner et trouver un juste équilibre entre les épreuves d’aujourd’hui et les espérances de demain.
Même si le film a été rattrapé par l’actualité (on sait que le gouvernement Macron a annoncé la fin du numerus clausus pour les études de médecine à partir de la rentrée 2020), Première année (France – 1h32. Dans les salles le 12 septembre) demeure une très intéressante plongée dans cette « terrible » première année de médecine vers laquelle s’avancent 3000 candidats qui savent, d’emblée, que seulement 200 d’entre eux auront le bonheur de passer en seconde année et de s’ouvrir ainsi une carrière en médecine. Déjà scénariste et réalisateur de Hippocrate (2014) avec déjà Vincent Lacoste et Reda Kateb et Médecin de campagne (2016) avec François Cluzet et Marianne Denicourt, Thomas Lilti sait de quoi il parle puisqu’il est (aussi) docteur en médecine.
Autant dire qu’on croit à cette histoire dont la mise en scène relève du défi puisque les personnages ne font qu’écouter des cours, se plonger dans les livres, préparer des annales, réviser jusqu’au bout de la nuit ou s’entraîner à des QCM. Lilti a réussi à trouver le bon rythme pour sa Première année et il peut aussi se reposer sur un duo dynamique avec William Lebghil et Vincent Lacoste qui parviennent à développer une véritable amitié dans un univers où, à priori, tous les coups sont permis. D’ailleurs le cinéaste revendique une dimension politique à cette aventure d’apprentissage puisqu’il pointe aussi une violence sociale qui, au départ, est culturelle, Antoine soulignant que Benjamin a « les codes » depuis toujours… Première année ou l’histoire de deux étudiants qui s’appliquent à devenir des machines à répondre aux questions, voire à répondre sans chercher à comprendre. Inquiétant ?
ANCIENS.- Pierrot, Mimile et Antoine, trois amis d’enfance de 70 balais, ont bien compris que vieillir était le seul moyen connu de ne pas mourir et ils sont bien déterminés à le faire avec style ! Leurs retrouvailles à l’occasion des obsèques de Lucette, la femme d’Antoine, sont de courte durée… Antoine tombe par hasard sur une lettre qui lui fait perdre la tête. Sans fournir aucune explication à ses amis, il part sur les chapeaux de roue depuis leur Tarn natal vers la Toscane où réside désormais celui qui fut autrefois son rival. Pierrot, Mimile et Sophie, la petite fille d’Antoine enceinte jusqu’aux dents, se lancent alors à sa poursuite pour l’empêcher de commettre un crime passionnel… 50 ans plus tard !
Au départ Les Vieux fourneaux est une série de bandes dessinées scénarisée par Wilfrid Lupano et dessinée par Paul Cauet, publiée par Dargaud depuis 2014 et devenue un phénomène de librairie puisque les trois premiers tomes de la série ont été vendus à plus de 500.000 exemplaires. On imagine que la tentation était forte pour des producteurs d’en faire un film. Et si, on n’analyse les choses qu’en termes de succès, c’est un coup gagnant puisque Les vieux fourneaux (France – 1h29. Dans les salles le 22 août) totalise déjà, en quatrième semaine d’exploitation, plus de 764.000 entrées.
Sur un scénario écrit par Wilfrid Lupano, Christophe Duthuron , dont c’est le premier long-métrage, s’est attelé à la tâche pour donner une colonne vertébrale à son projet et retrouver le ton à la fois tonique et drolatique de la bd. En s’appuyant sur des comédiens en verve (Pierre Richard en anarchiste déjanté et prêt à tout casser, à commencer par son antique voiture et Eddy Mitchell en aventurier à la belle prestance malgré le corps qui grince), le film touche juste, notamment avec de riches dialogues à l’ancienne qui associent la phrase bien construite et le mot précis mais aussi par le jeu réussi sur les flash-backs. Bref, on passe un bon moment avec ces petits vieux à belle grande gueule…