De la difficulté de faire son second film…
Arnaud Viard est acteur, auteur et réalisateur. Il a travaillé au cinéma et à la télévision, apparaissant dans des épisodes de diverses séries comme Julie Lescaut, Les Cordier, juge et flic, Une femme d’honneur, Boulevard du Palais, Joséphine ange gardien, Avocats et associés, Les enquêtes d’Eloïse Rome…
Puis, en 208, Arnaud Viard deviendra une sorte de papa idéal prénommé Jean-François dans Que du bonheur!, un programme court d’access prime-time diffusé quotidiennement sur TF1 en 2008/2009. C’est une époque où, surtout en province, les gens le reconnaissent dans la rue et l’appellent Jean-François. Lorsqu’à la suite d’un changement à la direction de TF1, ce programme court s’arrête, les gens reconnaissent moins Arnaud dans la rue.
Côté grand écran, Arnaud Viard a réalisé et coproduit, en 2004, son premier long-métrage Clara et moi interprété par Julie Gayet, Julien Boisselier et Michel Aumont. Le film sera bien accueilli par la critique et obtiendra le prix de la fondation Barrière.
Forcément, depuis le temps, Arnaud Viard avait envie de réaliser son second film. Et c’est précisément l’aventure -mais pas que…- de ce second film qu’il raconte dans Arnaud fait son 2e film, un titre peut-être curieux mais qui dit bien ce qu’il veut dire.
De Huit et demi (Fellini) à La nuit américaine (Truffaut) en passant par Stardust Memories (Allen), Passion (Godard), Alexandrie… pourquoi? (Chahine), Au travers des oliviers (Kiarostami), Sex is comedy (Breillat), Quinze jours ailleurs (Minnelli) ou Identification d’une femme (Antonioni), le film dans le film est une valeur au long cours du 7e art. Sur le mode tendre et doucement mélancolique, Arnaud Viard s’inscrit dans cette remarquable filiation. A son tour, il raconte, par le menu, les doutes persistants et les dépressions insidieuses mais aussi les espoirs enthousiasmants du cinéaste confronté à une entreprise compliquée: obtenir les moyens de mener à bien ce qui reste toujours un rêve.
Mais le cinéma est une chose et la vie en est une autre. Même si, autrefois, une pub claironnait: « Quand on aime la vie, on va au cinéma ». Alors, dans sa mise en abîme, Viard cultive un art poétique où il est aussi question de négocier un découvert chez son banquier, d’obtenir des délais aux impôts ou enfin de donner son sperme pour permettre à la lumineuse Chloé de connaître, à la quarantaine, le bonheur de la maternité. Faire naître un enfant, faire naître un film, raconter dans un film achevé, le film en train de se monter…
Sous ses dehors de plaisant ovni du cinéma français, Arnaud fait son 2e film est pourtant plus profond qu’il n’y paraît. Bien sûr, on sourit des séances chez le psy (dans le noir de la salle, un spectateur a protesté lorsqu’il fut question d’un interminable étron qualifié par le praticien de « C’est une oeuvre ») mais le cinéaste réussit un joli numéro d’équilibriste entre ses souvenirs familiaux (le voyage à Dijon pour retrouver sa mère gravement malade incarnée par Nadine Alari) et une mise en boîte assez vacharde du petit monde du cinéma. Le producteur Christophe Rossignon, qui joue un rôle de… producteur, endosse ce personnage qui dit non au pitch (nourri des soucis d’Arnaud) de To bande or not to bande avant de, plus tard, dire oui s’il promet un happy-end.
Arnaud fait son 2e film s’installe aussi durablement au cours Florent. Après y avoir été élève, Viard y est professeur dans une classe de cinéma. Et il donne à ses étudiants le goût de Truffaut. Pas le jardinier, le cinéaste. L’hommage au Dernier métro est émouvant tout comme les scènes d’improvisation sont drolatiques. Et puis il y a la belle et jeune Gabrielle qui avoue qu’elle est là parce qu’elle veut « être connue ». Un véritable aveu mais qui traduit bien cette réalité contemporaine de la notoriété. Gabrielle passera dans le lit d’Arnaud mais préférera jouer La mouette de Tchekov au théâtre plutôt que le second film d’Arnaud…
Heureusement pour le spectateur, il aura quand même le plaisir de découvrir, avec cette Gabrielle, la talentueuse Louise Coldefy à laquelle Viard, lui-même personnage attendrissant et fragile, offre un marchepied qu’elle saura certainement saisir. Si Frédérique Bel fait une amusante apparition en accro du sexe qui sort couverte, on retrouve avec bonheur la resplendissante Irène Jacob. Trop rare sur les écrans (on l’a vue rapidement dans le récent L’art de la fugue) Irène Jacob n’a rien perdu de l’éclat irradiant qui faisait la grâce de La double vie de Véronique ou de Rouge. Arnaud Viard en fait la femme aimée dans une oeuvre qui, si elle n’est pas militante, dit pourtant bien des choses sur un certain mal-être du cinéma français. « On fait des films, disait Michael Cimino, pour la même raison que l’on entreprend des voyages ». Prenez un ticket pour voyager dans le cinéma d’Arnaud Viard!
ARNAUD FAIT SON 2e FILM Comédie dramatique (France – 1h20) de et avec Arnaud Viard et Irène Jacob, Louise Coldefy, Nadine Alari, Frédérique Bel, Gilles Gaston-Dreyfus, Chris Esquerre, Christophe Rossignon, Léa Simoncini, Mathieu Nina. Dans les salles le 1er avril.