Juste une image…
Français exilé à Londres, André Ripois est un Don Juan. Sa femme Catherine, lasse de ses infidélités, part pour Édimbourg pour préparer son divorce. Pendant ce temps, André, entre plusieurs liaisons opportunistes, s’éprend de Patricia, une amie de sa femme, et utilise pour la séduire de nombreux stratagèmes.
Après l’avoir piégée à dîner chez lui, il lui raconte sa vie et ses combines pour s’attirer la compassion et la protection d’une femme après l’autre, les trompant et se lassant d’elles à peine séduites. Il lui parle d’Anne, sa supérieure au travail ou de Norah qu’il poursuit dans la rue et qu’il quitte au moment de rencontrer sa mère après lui avoir faussement demandé de l’épouser. Il évoque aussi Marcelle, prostituée française à Londres, qui l’abrite alors qu’il est mis à la rue faute de payer son loyer, et qu’il abandonne en lui prenant assez d’argent pour lancer une affaire de professeur de français…
Ne parvenant pas à ses fins auprès de Patricia, prévenue par Catherine et qui comprend qu’elle n’est qu’une femme de plus sur sa liste, Ripois va jusqu’à simuler son suicide par défenestration, mais il tombe accidentellement et reste paralysé à vie. Catherine s’imagine alors, comme Patricia, qu’il a tenté de se suicider à cause d’elle et renonce au divorce : Ripois devient, malgré lui, le « fidèle prisonnier » de sa femme.
Dans le cadre de Ciné-Ried à Riedisheim, Pierre-Louis Cereja a construit un nouveau cycle qui, après une saison dernière consacrée à des stars de légende, fait cette fois la part belle à ces messieurs, en l’occurrence des comédiens emblématiques, à commencer donc par un mythe du cinéma français de l’après-guerre, ce Gérard Philipe (1922-1959) à la fois juvénile et romantique.
Le cycle s’ouvre avec Monsieur Ripois (1954) qui est tout à la fois une des meilleures réussites de René Clément, et l’une des plus parfaites compositions de Gérard Philipe, incarnant un pitoyable Don Juan « infirme du cœur ».
C’est après le succès de Jeux interdits qui a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise en 1952 que René Clément adapte Monsieur Ripois et la Némésis, le roman de Louis Hémon, publié en 1950. Louis Hémon doit surtout sa célébrité à son roman Maria Chapdelaine (1913) qui connaîtra pas moins de quatre adaptations au grand écran.
Tourné dans les rues de Londres, avec une caméra cachée, Monsieur Ripois est un film, aujourd’hui, un peu oublié. Mais c’est cependant l’un des grands rôles de Gérard Philipe. Presque de tous les plans, il compose un personnage de séducteur cynique qui drague toutes les filles avec aplomb et hypocrisie. Mais le charme de Gérard Philipe, entouré de comédiennes anglo-saxonnes (Natasha Parry, Valerie Hobson, Joan Greenwood et Margaret Johnston) opère pourtant à plein.
Dans son livre consacré à René Clément (éditions du Revif, 2008) Denitza Bantcheva écrit : « L’infantilisme de Ripois, présenté par moment comme d’autant plus ridicule qu’il est inconscient, a aussi son charme : les pitreries, la gaieté insouciante du protagoniste prompte à revenir même aux moments pénibles, le rendent sympathique. L’une des qualités majeures du film, c’est justement que son personnage central est à la fois méprisable, voire odieux (la liste de ses défauts et son degré d’égoïsme sont impressionnants), dérisoire et en même temps plaisant. Clément a réussi à montrer un être en révélant peu à peu l’étendue de ses faiblesses rebutantes sans qu’elles finissent jamais par nous le rendre vraiment antipathique, et sans miser sur l’empathie. »
Monsieur Ripois, le mardi 21 octobre à 19h30, dans le cadre de Ciné-Ried. L’Aronde, 20, rue d’Alsace à Riedisheim. La séance est présentée et animée par Pierre-Louis Cereja.
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