Juste une image…

Natacha
Hôtesse de l’air débrouillarde, Natacha a le don de se retrouver dans des situations périlleuses. Toujours accompagnée de son collègue et ami Walter, elle voyage aux quatre coins du monde.
Le personnage de Natacha est créé en 1965 par le dessinateur belge François Walthéry. Le premier album de la série, Natacha hôtesse de l’air, est publié en 1970 dans le magazine Spirou et éditée en album depuis 1971 par les éditions Dupuis, puis par Marsu Productions, jusqu’à ce que Dupuis en fasse à nouveau l’acquisition en 2013. Walthéry est alors assistant au studio Peyo. Il travaille simultanément sur plusieurs séries durant cette période (Benoît Brisefer, sur lequel il est devenu principal dessinateur, Johan et Pirlouit, Les Schtroumpfs), ce qui retarde la sortie du premier album de Natacha pendant ces cinq premières années. Les seize premières planches du récit, laissées au rédacteur en chef de l’époque Yvan Delporte, sont exhumées par son successeur Thierry Martens en 1969 qui exige de Walthéry qu’il complète l’album aussi vite que possible.
Pour créer graphiquement Natacha, l’auteur s’inspire de plusieurs femmes : Mireille Darc, France Gall, Dany Carrel, ainsi que d’une amie qui accepte de poser pour lui. Ayant une faible connaissance de l’aviation, Walthéry s’est initialement inspiré des planches de Victor Hubinon (Buck Danny). L’exactitude des références dans ce premier album s’en trouve affectée (la bagarre dans le DC-3 provoquera l’hilarité de l’éditeur, car elle aurait été impossible en réalité), ce que l’auteur corrigera dans les parutions suivantes à l’aide essentiellement de photographies prises durant ses propres voyages en avion…
Avec Natacha (presque) hôtesse de l’air (qui sera dans les salles le 2 avril), le personnage fait ses débuts sur le grand écran. Depuis sa plus tendre enfance, Natacha est bien décidée à devenir hôtesse de l’air pour voyager et découvrir le monde. Quand elle se retrouve mêlée malgré elle au vol de la Joconde, elle y voit l’opportunité de réaliser enfin son rêve. Accompagnée d’un steward maladroit, elle traverse la France et l’Italie dans une course-poursuite qui pourrait bien changer sa vie…
Créatrice, scénariste et réalisatrice de Connasse, une caméra cachée diffusée dans Le Grand journal de Canal+ à compter de 2013, Noémie Saglio a réalisé ou co-réalisé plusieurs films comiques, parmi lesquels Toute première fois et Connasse, princesse des cœurs.
« J’adore, dit la réalisatrice, cette figure de fille frondeuse inventée par François Walthéry, qui évolue dans un monde à la OSS 117 – dont le héros, cependant, est un peu bête… Or, pour moi, il était hors de question de proposer une figure féminine qui ne soit pas intelligente et intrépide. C’est donc Natacha qui me lie à la BD et la principale source d’inspiration du film, parce qu’elle n’a peur de rien dans un monde d’hommes. Sans pour autant être donneuse de leçons. Si Natacha peut parler à toutes les générations, c’est parce qu’elle incarne ce qu’est d’avoir un rêve, mais aussi l’impression d’évoluer dans un monde où il semble impossible de le réaliser. Alors qu’elle sait qu’elle serait à sa place ! Le public, tout comme moi, aime les personnages qui ne lâchent rien. »
C’est Camille Lou qui se glisse dans l’uniforme coloré de Natacha. Elle est entourée de Vincent Dedienne (Walter), Didier Bourdon (l’affreux André Molrat), Elsa Zylberstein (Colette). Quant à Isabelle Adjani, elle incarne une descendante de La Joconde ! La comédienne remarque : « Une descendante excentrique prête à tout, ça ne se résume pas au sourire énigmatique de La Joconde. Celle-là veut l’argent et le pouvoir, elle prend la pose, tout feu, tout femme ! Se prendre pour Mona Lisa façon De Vinci puis passer en mode mama mafia la mitraillette au poing, c’est hilarant ! »
Enfin, tout au long du film, la voix reconnaissable entre mille de Fabrice Luchini intervient régulièrement pour gloser, juger, parfois conseiller (avec plus ou moins de pertinence) les actions de Natacha. Laquelle non seulement l’entend mais se permet aussi de lui répondre, parfois vertement.

© Photo Julien Panie DR

 

La critique de film

La résistance à pleines pages  

Azar Nafisi (Golshifteh Farahani) enseigne à l'université de Téhéran. DR

Azar Nafisi (Golshifteh Farahani) enseigne
à l’université de Téhéran. DR

La rumeur d’une foule en marche sourd sur les images noires du générique… La caméra, elle, capte le visage grave d’une femme allongée, au petit matin, dans son lit. On saura plus tard que ses nuits sont constamment traversées par de récurrents cauchemars…
« Bienvenue en Iran ». La voix du commandant annonce que l’atterrissage à l’aéroport de Téhéran est proche. Après des années à l’étranger, Azar Nafisi et Bijan, son mari, sont heureux de rentrer au pays en cet été 1979. Bien sûr, le policier qui scrute longuement le passeport d’Azar est loin d’être commode. Mais que dire de l’attitude méprisante du douanier qui fouille ses valises. Le tenant du bout des doigts, il regarde, d’un air dégoûté, un tube de rouge à lèvres. Et c’est pire lorsqu’il empoigne les livres. Azar a beau dire qu’elle est docteure en littérature anglaise, qu’elle vient prendre un poste de professeure à l’université, les livres volent. « Attention ! » lance Mme Nafisi. Le type en vert-de-gris la foudroie du regard. Bienvenue en Iran.
En adaptant le roman autobiographique et éponyme d’Azar Nafisi, Eran Riklis invite à une plongée dans l’épopée intime d’une femme et d’une intellectuelle qui n’entend tout bonnement pas se faire dicter sa conduite dans un pays placé sous la coupe des pires intégristes.
Mais, en 1980, la prof va rapidement déchanter, elle qui pensait pouvoir aider à la révolution qui avait détrôné le Shah. Mais, avec Khomeini et l’instauration d’une république islamique débouchant rapidement sur la charia, l’enthousiasme initial disparaît vite. A l’université, sur les murs de laquelle on peut lire « A mort l’Amérique », si les étudiantes sont très à l’écoute, les étudiants parlent d’auteurs « inappropriés » pour appeler la morale à la rescousse. Et estimer qu’il y a pas une seule femme vertueuse dans les pages proposées par la prof. La faute au Grand satan, probablement. Pourtant, Madame Nafisi refuse de voir se pétrifier l’espérance qu’elle porte, tant pour son pays aimé que pour la littérature qu’elle défend.

Nassrin (Mina Kavani) et Azar, deux femmes contraintes au hijab. DR

Nassrin (Mina Kavani) et Azar,
deux femmes contraintes au hijab. DR

Pourtant, il faudra en passer par bien des humiliations ! Le port du voile est rendu obligatoire. Les violences se multiplient. Les nervis munis de grosses matraques terrorisent les gens. A la prison d’Evin, les jeunes femmes sont frappées. La malheureuse Sanaz est contrainte d’avouer une imaginaire relation illégitime qui lui vaudra des coups de fouet. A l’entrée d’un bâtiment officiel, une femme-flic cachée sous son hijab, ordonne à la prof de retirer la boue sur son visage et insinue, lors de la fouille: « Vous ne portez rien dessous ! »
En 1995, Azar et son mari ont désormais deux enfants. Ils vivent toujours à Téhéran. Pour la prof, l’université (où un étudiant s’est suicidé par le feu), c’est du passé. Mais pas l’amour de la littérature. Alors Azar Nafisi reçoit, en secret, dans son appartement, une petite dizaine de femmes pour partager le plaisir des livres, résister par la beauté des mots, croire, dur comme fer, qu’il n’y a pas de crime de pensée mais aussi dire leurs angoisses, ce qui les ronge de l’intérieur ou encore formuler leurs désirs: « Je pense beaucoup au sexe ! », dit l’une.
Construit en chapitres (The Great Gatsby, Lolita, Daisy Miller et Orgueil et préjugés), Lire Lolita à Téhéran s’appuie, sans en respecter la structure, sur le récit autobiographique d’Azar Nafisi, paru il y a vingt ans mais toujours d’une effarante actualité. Forcément, à travers cette aventure de femmes courageuses, on songe au drame de Mahsa Amini et on pense au sort d’Ahou Daryaei, l’étudiante arrêtée pour s’être dévêtue sur le campus de l’université Azad de Téhéran début novembre, pour protester contre le port imposé du hijab…

Une rencontre secrète autour de la littérature occidentale. DR

Une rencontre secrète autour
de la littérature occidentale. DR

Réalisateur d’une quinzaine de longs-métrages parmi lesquels La fiancée syrienne (2004), Les citronniers (2008) ou Le voyage du directeur des ressources humaines (2010) ont été des succès internationaux, Eran Riklis avait lu, dès 2009, le livre d’Azar Nafisi et avait eu le sentiment qu’il y avait matière à en tirer un film formidable. Mais, pris par ses activités, il a laissé le livre dans sa bibliothèque. Jusqu’en 2016 où il contacte Azar Nafisi sur Facebook, échange avec elle, lui demande s’il peut venir la rencontrer à Washington et si elle accepterait d’avoir affaire à un cinéaste israélien…
Lire Lolita à Téhéran est une « étrange » production -parlant farsi- qui réunit un cinéaste israélien, une scénariste anglo-saxonne, une directrice de la photographie franc-comtoise, des producteurs italiens et des comédiens iraniens avec un tournage à Rome ! « Ce n’est pas facile, dit le réalisateur, de faire un film sur le Téhéran des années 80 et 90, quel que soit l’endroit où l’on tourne et, bien entendu, très difficile de le tourner en Europe. En Italie. À Rome. Mais en fait, je me suis dit que le cinéma reposait certes sur l’authenticité, mais aussi sur la créativité, l’inspiration, l’ouverture d’esprit. C’est la démarche que j’ai adoptée. Je me suis entouré d’experts iraniens qui ont fait en sorte que tout soit d’une exactitude absolue – les décors, les costumes, la figuration. Tout ce qui était capté par la caméra. J’ai aussi fait en sorte que tous les sons – les dialogues, les bruits de la rue, la musique – soit d’un réalisme total. Je crois qu’on peut affirmer qu’on a réussi à reconstituer Téhéran à Rome. »

Zar Amir Ebrahimi incarne Sanaz. DR

Zar Amir Ebrahimi incarne Sanaz. DR

Si cette ode à la liberté semble de prime abord moins intense que Les graines du figuier sauvage (2024), moins palpitante que Les nuits de Mashad (2022) ou moins crispante que Tatami (2023), elle pointe bien, à travers la manière dont la littérature occidentale peut offrir une forme de résistance subtile mais significative, la terrible réalité de la condition de la femme, de la censure et de la répression politique, toujours l’oeuvre en Iran.
Ce qui, enfin, emporte l’adhésion, c’est la magnifique troupe de comédiennes qui portent cette aventure, à commencer par la belle Golshifteh Farahani, omniprésente à l’écran, entourée de Zar Amir Ebrahimi (Sanaz), Raha Rahbari, Isabella Nefar, Bahar Beihaghi, Mina Kavani, Lara Wolf et Catayoune Ahmadi.
Il faut rester pendant le générique de fin pour voir quelques images du concert à Buenos Aires où Golshifteh Farahani interprète, en compagnie du chanteur de Coldplay, la chanson Baraye, composée et interprétée par l’Iranien Shervin Hajipour après la mort de Mahsa Amini.

LIRE LOLITA A TEHERAN Drame (Italie/Israël – 1h47) d’Eran Riklis avec Golshifteh Farahani, Zar Amir, Mina Kavani, Bahar Beihaghi, Isabella Nefar, Raha Rahbari, Lara Wolf, Shahbaz Noshir, Arash Marandi, Catayoune Ahmadi, Reza Diako, Ash Goldeh, Sina Parvaneh, Hamid Karimi, Zanyar Mohammadi, Rita Jahan Foruz. Dans les salles le 26 mars.

 

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